Les lendemains
du
18 mars
Au matin du 19 mars, le Comité central
est
désemparé. Il ne sait que faire
de ce pouvoir
qui lui tombe dans les mains et dont il ne se sent pas la légimité d'exércer.
Pour certains
délégués, notamment les
blanquistes tels Ferré et Eudes, ou d'autres comme
Varlin, citons
aussi Louise
Michel
même si elle ne fait pas partie du Comité central,
il faut
marcher sans plus attendre sur Versailles et achever la
révolution. Thiers ne
dispose plus que d'une armée
désorganisée et
faible en effectif. Il faut en profiter pour porter le
coup de grâce au pouvoir. La
majorité du Comité n'y est pas favorable, craignant que
cela n'entraîne pas la suite
une véritable guerre
civile. De plus, on fait valoir qu'avant toute chose,
Paris doit
être dôté d'un
gouvernement légal et légitime,
élu par le
peuple. Cette position l'emporte et l'organisation d'un scrutin
municipal est fixé pour le 22 mars.
Le Comité central rédige
ensuite 2
proclamations qu'il fait placarder sur les murs de la ville, l'une
adressée à la Garde
nationale, l'autre
à la population. L'armée y est
remerciée pour avoir refusé, peut on lire, de «
porter la main sur l'arche sainte
de nos libertés », Paris et
la France sont invités à
« jeter ensemble les bases d'une
république (...) qui fermera pour toujours
l'ère des invasions et des guerres civiles. ».
Les élections municipales du 22 mars sont
annoncées.
Le Comité
central devient un gouvernement provisoire
En attendant le nouveau conseil municipal, le
Comité central se doit
d'agir, malgré tout, en tant
que gouvernement provisoire en prenant les premières
mesures qui
s'imposent.
L'état de siège est
levé dans le département de la Seine. Les
échéances commerciales sont ajournées.
Les ventes
d'objets mis en gage au
mont-de-piété sont suspendues. Toute expulsion de
locataires est interdite. Les
prisonniers politiques sont amnistiés et
libérés.
La
liberté de presse est rétablie. Les Conseils de
guerre sont abolis et
l'armée permanente est supprimée. On
préconise une «
milice nationale qui
défend les citoyens contre le
pouvoir au lieu d'une armée permanente qui défend
le pouvoir contre les citoyens ».
La machine admininistrative,
abandonnée par
ceux qui en avaient la charge, est rapidement remise en route. Jourde
et Varlin sont
nommés aux
finances, Vaillant et Grollier à
l'intérieur, Duval et Rigault
à la préfecture de police, Eudes
à
la guerre, Bergeret à
l'état major de la
Garde nationale. Les
hopitaux, les
écoles,
les services de communications et de voieries sont également
vite rendus
à nouveau opérationnels.
Un appel au soutien
lancé aux grandes villes
Le 19 mars, le Comité central
rédige un appel en direction des villes
:
-
« Les grandes villes ont prouvé, lors des
élections
de 1869 et du plébiscite, qu'elles étaient
animées
du même esprit républicain que Paris ; les
nouvelles
autorités républicaines espèrent donc
qu'elles lui
apporteront leur concours sérieux et énergique
dans les
circonstances présentes, et qu'elles les aideront
à mener
à bien l'œuvre de la
régénération et
de salut qu'elles ont entreprise au milieu des plus grands
périls. Les campagnes seront jalouses d'imiter les
villes.
»
L'appel n'aura que peu d'impact. Quelques villes
s'agiteront
mais les mouvements seront vite étouffés dans
l'œuf, comme nous le verrons plus loin.
A Versailles
Thiers lance
une
circulaire stipulant que seuls les ordres
émanant du gouvernement régulier de Versailles
prennent
une valeur exécutive. Le ministre de
l'intérieur Picard déclare
déléguer l'administration de Paris à
ses
maires et à ses députés.
A Paris
Le Comité central occupant
l'Hôtel de ville, des maires et quelques
députés parisiens se réunissent dans
les mairies du IIe et du IIIe
arrondissement. Ils se revendiquent comme étant
l'autorité légale de Paris. Des contacts sont
pris dans
l'après midi et les
négociations commencent. A 20
heures, tout le monde se retrouve à
l'Hôtel de Ville. Les discussions et les tractations
vont durer toute la nuit avec des moments de tensions.
Du côté des maires et des
députés présents, Clemenceau
condamne le coup de force du gouvernement, mais demande au
Comité central, de rendre
le pouvoir municipal aux
maires et de reconnaître la
légitimité de
l'Assemblée nationale même si celle-ci
peut-être discutable.
Du côté du Comité
central, Varlin, soutenu par l'ex député Malon,
formule ces revendications :
- « Nous voulons un
conseil municipal élu. Nous voulons des franchises
municipales sérieuses pour Paris,
la suppression de la Préfecture de police, le droit pour la
Garde nationale de nommer tous ses officiers y compris le commandant
chef, la remise entière des loyers échus
au-dessous
de 500 francs, une loi équitable sur les
échéances, ; enfin nous demandons que
l'armée se
retire à vingt lieux de Paris. »
Le député
socialiste, Millière,
quant-à lui, voyant des massacres, tels en juin 1848,
poindrent
à nouveau à
l'horizon, tente d'amener chacun sur les chemins de la conciliation.
Au petit matin, on finit par aboutir à
un accord. Le Comité central conserve le commandement sur
la Garde nationale mais restitue
l'Hôtel de Ville aux maires et les
députés
républicains sont chargés de porter les exigences
de
Paris devant l'Assemblée. Cependant,
après consultation des comités de quartiers, sous
la pression des
Blanquistes, des délégués de
l'Internationale et du Comité des vingt arrondissements, le
Comité central reste à l'Hôtel de Ville.
- « Dans les
circonstances actuelles, le Comité central est responsable
des conséquences de la situation et ne peut se
déssaisir ni du pouvoir militaire, ni du pouvoir civil.
»
La garde nationale dans
l'Hôtel de Ville 1
Versailles
Le 20 mars, Clemenceau et Millière
présentent les revendications du Comité
central devant
l'Assemblée nationale, un Conseil municipal élu
pour Paris, le droit pour la Garde nationale
de choisir
ses
officiers et son commandant chef, ainsi qu'une
loi juste sur les échéances. Ils sont
hués.
Les 21 et 22
mars, Versailles rejette toutes les demandes de Paris et ne
répond que par des
déclarations haineuses, stigmatisant les
insurgés, notamment via les voix de Jules
Favre et d'Adolphe Thiers. Quelques
députés et maires parisiens tentent
bien de faire infléchir la position de
l'Assemblée, mais
en vain. Par 2 fois, ils essaient de faire, au moins, accepter la tenue
des élections municipales sur Paris,
arguant du fait que cela pourrait ramener le calme dans la capitale,
mais ils échouent. Versailles refuse clairement tout
dialogue.
Jules
Favre : - « (...) Est ce que
ce n'est pas la guerre
civile ouverte, audacieuse, accompagnée du meurtre
lâche
et du pillage dans l'ombre ? Est ce que nous ne savons pas que les
réquisitions commencent, que les
propriétés
vont être violées, et que nous allons voir, de
progrès en progrès, la
société toute
entière sapée par la base s'effondrer. (...)
»
En fait, le Comité
central, soucieux de rester dans la légalité, ne
s'attaque pas à la propriété. Il ne
s'accapare même pas de la Banque de France, pourtant nerf de
la guerre
d'une révolution.
Certaines grandes figures
du combat républicain ou du socialisme se
désolidarisent de
Paris, à l'image de Louis
Blanc qui choisit de rester siéger à
Versailles et se refuse, en tant que mandataire
régulier, à traiter avec les
insurgés.
Paris
Le 21 mars, du
côté de la
place
Vendôme, quelques centaines
de monarchistes
et de bonapartistes, les Amis
de l'ordre,
défilent dans les rues pour appeler à ne pas
participer
aux élections municipales. Le lendemain, ils
organisent une
nouvelle manifestation plus radicale. Elle
dégénère en de
violents
affrontements avec la Garde nationale,
provoquant plusieurs
morts des 2 côtés. Une partie de la population des
quartiers chics (ouest) décide de quitter Paris.
Les élections sont
repoussées au 26 mars.
Le Comité
central revendique pour Paris, et au delà pour toutes
communes, le droit légitime de s'auto-administrer,
à
être des villes libres.
Journal
officiel du 22 mars : - « (...) La
cité doit avoir, comme la Nation, son assemblée
qui s'appelle indistinctement assemblée municipale, ou
communale ou Commune, première pierre du nouvel
édifice social, indestructible base de vos institutions
républicaines. (...)
»
Journal
officiel du 25 mars : -
« (...) Le droit imprescriptible de toute cité
à
s'administrer soit même, laissant au gouvernement central
l'administration centrale, la direction politique du pays. (...)
»
La garde nationale dans
l'Hôtel de Ville 2
Cependant, le Comité central n'est pas
maître du tout Paris. Certains bataillons se rangent
derrière le Parti
des maires, sous le commandement de Saisset. Ceci
entraîne une certaine confusion dans la Garde nationale. Les
jours
qui suivent, le Comité central s'attache
à occuper les mairies qui lui échappent et
les discussions avec les maires continuent.
Le 22 et 23 mars, l'Internationale apporte
son
adhésion à la révolution parisienne.
Le 23 mars, le Comité central publie un
manifeste dans lequel il définit ses objectifs : Une
nouvelle
organisation sociale, fondée sur l'autonomie de la commune,
elle même
gérée par des mandataires élus et dont
les actes restent sous
le
contrôle
de la population : - «
La
République dans sa plus haute expression »
Quelques extraits choisis :