Porte ENTREE AnarkaiA Point of view Index Commune Mise à jour : 25/04/2010
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Les lendemains du 18 mars

Au matin du 19 mars, le Comité central est désemparé. Il ne sait que faire de ce pouvoir qui lui tombe dans les mains et dont il ne se sent pas la légimité d'exércer.

Pour certains délégués, notamment les blanquistes tels Ferré et Eudes, ou d'autres comme Varlin, citons aussi Louise Michel même si elle ne fait pas partie du Comité central, il faut marcher sans plus attendre sur Versailles et achever la révolution. Thiers ne dispose plus que d'une armée désorganisée et faible en effectif. Il faut en profiter pour porter le coup de grâce au pouvoir. La majorité du Comité n'y est pas favorable, craignant que cela n'entraîne pas la suite une véritable guerre civile. De plus, on fait valoir qu'avant toute chose, Paris doit être dôté d'un gouvernement légal et légitime, élu par le peuple. Cette position l'emporte et l'organisation d'un scrutin municipal est fixé pour le 22 mars. 

Le Comité central rédige ensuite 2 proclamations qu'il fait placarder sur les murs de la ville, l'une adressée à la Garde nationale, l'autre à la population. L'armée y est remerciée pour avoir refusé, peut on lire, de « porter la main sur l'arche sainte de nos libertés », Paris et la France sont invités à « jeter ensemble les bases d'une république (...) qui fermera pour toujours l'ère des invasions et des guerres civiles. ». Les élections municipales du 22 mars sont  annoncées. 

Le Comité central devient un gouvernement provisoire

En attendant le nouveau conseil municipal, le Comité central se doit d'agir, malgré tout, en tant que gouvernement provisoire en prenant les premières mesures qui s'imposent.

L'état de siège est levé dans le département de la Seine. Les échéances commerciales sont ajournées. Les ventes d'objets mis en gage au mont-de-piété sont suspendues. Toute expulsion de locataires est interdite. Les prisonniers politiques sont amnistiés et libérés. La liberté de presse est rétablie. Les Conseils de guerre sont abolis et l'armée permanente est supprimée. On préconise une « milice nationale qui défend les citoyens contre le pouvoir au lieu d'une armée permanente qui défend le pouvoir contre les citoyens ».

La machine admininistrative, abandonnée par ceux qui en avaient la charge, est rapidement remise en route. Jourde et Varlin sont nommés aux finances, Vaillant et Grollier à l'intérieur, Duval et Rigault à la préfecture de police, Eudes à la guerre, Bergeret à l'état major de la Garde nationale. Les hopitaux, les écoles, les services de communications et de voieries sont également vite rendus à nouveau opérationnels.

Un appel au soutien lancé aux grandes villes

Le 19 mars, le Comité central rédige un appel en direction des villes : 

- « Les grandes villes ont prouvé, lors des élections de 1869 et du plébiscite, qu'elles étaient animées du même esprit républicain que Paris ; les nouvelles autorités républicaines espèrent donc qu'elles lui apporteront leur concours sérieux et énergique dans les circonstances présentes, et qu'elles les aideront à mener à bien l'œuvre de la régénération et de salut qu'elles ont entreprise au milieu des plus grands périls. Les campagnes seront jalouses d'imiter les villes.  »

L'appel n'aura que peu d'impact. Quelques villes s'agiteront mais les mouvements seront vite étouffés dans l'œuf, comme nous le verrons plus loin.

A Versailles

Thiers lance une circulaire stipulant que seuls les ordres émanant du gouvernement régulier de Versailles prennent une valeur exécutive. Le ministre de l'intérieur Picard déclare déléguer l'administration de Paris à ses maires et à ses députés.

A Paris

 Le Comité central occupant l'Hôtel de ville, des maires et quelques députés parisiens se réunissent dans les mairies du IIe et du IIIe arrondissement. Ils se revendiquent comme étant l'autorité légale de Paris. Des contacts sont pris dans l'après midi et les négociations commencent. A 20 heures, tout le monde se retrouve à l'Hôtel de Ville. Les discussions et les tractations vont durer toute la nuit avec des moments de tensions.

Du côté des maires et des députés présents, Clemenceau condamne le coup de force du gouvernement, mais demande au Comité central, de rendre le pouvoir municipal aux maires et de reconnaître la légitimité de l'Assemblée nationale même si celle-ci peut-être discutable. 

Du côté du Comité central, Varlin, soutenu par l'ex député Malon, formule ces revendications : 

- « Nous voulons un conseil municipal élu. Nous voulons des franchises municipales sérieuses pour Paris, la suppression de la Préfecture de police, le droit pour la Garde nationale de nommer tous ses officiers y compris le commandant chef, la remise entière des loyers échus  au-dessous de 500 francs, une loi équitable sur les échéances, ; enfin nous demandons que l'armée se retire à vingt lieux de Paris. »

Le député socialiste, Millière, quant-à lui, voyant des massacres, tels en juin 1848, poindrent à nouveau à l'horizon, tente d'amener chacun sur les chemins de la conciliation.

Au petit matin, on finit par aboutir à un accord. Le Comité central conserve le commandement sur la Garde nationale mais restitue l'Hôtel de Ville aux maires et les députés républicains sont chargés de porter les exigences de Paris devant l'Assemblée. Cependant, après consultation des comités de quartiers, sous la pression des Blanquistes, des délégués de l'Internationale et du Comité des vingt arrondissements, le Comité central reste à l'Hôtel de Ville.

- « Dans les circonstances actuelles, le Comité central est responsable des conséquences de la situation et ne peut se déssaisir ni du pouvoir militaire, ni du pouvoir civil. »

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La garde nationale dans l'Hôtel de Ville 1
Versailles

Le 20 mars, Clemenceau et Millière présentent les revendications du Comité central devant l'Assemblée nationale, un Conseil municipal élu pour Paris, le droit pour la Garde nationale de choisir ses officiers et son commandant chef, ainsi qu'une loi juste sur les échéances. Ils sont hués.

Les 21 et 22 mars, Versailles rejette toutes les demandes de Paris et ne répond que par des déclarations haineuses, stigmatisant les insurgés, notamment via les voix de Jules Favre et d'Adolphe Thiers. Quelques députés et maires parisiens tentent bien de faire infléchir la position de l'Assemblée, mais en vain. Par 2 fois, ils essaient de faire, au moins, accepter la tenue des élections municipales sur Paris, arguant du fait que cela pourrait ramener le calme dans la capitale, mais ils échouent. Versailles refuse clairement tout dialogue.

Jules Favre : - « (...) Est ce que ce n'est pas la guerre civile ouverte, audacieuse, accompagnée du meurtre lâche et du pillage dans l'ombre ? Est ce que nous ne savons pas que les réquisitions commencent, que les propriétés vont être violées, et que nous allons voir, de progrès en progrès, la société toute entière sapée par la base s'effondrer. (...) » 

En fait, le Comité central, soucieux de rester dans la légalité, ne s'attaque pas à la propriété. Il ne s'accapare même pas de la Banque de France, pourtant nerf de la guerre d'une révolution.

Certaines grandes figures du combat républicain ou du socialisme se désolidarisent de Paris, à l'image de Louis Blanc qui choisit de rester siéger à Versailles et se refuse, en tant que mandataire régulier, à traiter avec les insurgés.

 Paris

Le 21 mars, du côté de la place Vendôme, quelques centaines de monarchistes et de bonapartistes, les Amis de l'ordre, défilent dans les rues pour appeler à ne pas participer aux élections municipales. Le lendemain, ils organisent une nouvelle manifestation plus radicale. Elle dégénère en de violents affrontements avec la Garde nationale, provoquant plusieurs morts des 2 côtés. Une partie de la population des quartiers chics (ouest) décide de quitter Paris.

Les élections sont repoussées au 26 mars.

Le Comité central revendique pour Paris, et au delà pour toutes communes, le droit légitime de s'auto-administrer, à être des villes libres.

Journal officiel du 22 mars : - « (...) La cité doit avoir, comme la Nation, son assemblée qui s'appelle indistinctement assemblée municipale, ou communale ou Commune, première pierre du nouvel édifice social, indestructible base de vos institutions républicaines. (...) »

Journal officiel du 25 mars : - « (...) Le droit imprescriptible de toute cité à s'administrer soit même, laissant au gouvernement central l'administration centrale, la direction politique du pays. (...) »

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La garde nationale dans l'Hôtel de Ville 2

Cependant, le Comité central n'est pas maître du tout Paris. Certains bataillons se rangent derrière le Parti des maires, sous le commandement de Saisset. Ceci entraîne une certaine confusion dans la Garde nationale. Les jours qui suivent, le Comité central s'attache à occuper les mairies qui lui échappent et les discussions avec les maires continuent.

Le 22 et 23 mars, l'Internationale apporte son adhésion à la révolution parisienne.

Le 23 mars, le Comité central publie un manifeste dans lequel il définit ses objectifs : Une nouvelle organisation sociale, fondée sur l'autonomie de la commune, elle même gérée par des mandataires élus et dont les actes restent sous le contrôle de la population : - « La République dans sa plus haute expression »

Quelques extraits choisis :

( ... )

- «  L'insolidarité des intérêts a créé la ruine générale, engendré la guerre sociale ; c'est à la liberté, à l'égalité, à la solidarité qu'il faut demander d'assurer l'ordre sur de nouvelles bases, de réorganiser le travail qui est sa condition première.

( ... )

L'indépendance de la Commune est le gage d'un contrat dont les clauses librement débattues feront cesser les antagonismes des classes et assureront l'égalité sociale.

Nous avons revendiqué l'émancipation des travailleurs et la délégation communale en est la garantie, car elle doit fournir à chaque citoyen les moyens de défendre ses droits, de contrôler d'une manière efficace les actes de ses mandataires chargés de la gestion de ses intérêts et de déterminer l'application progressive des réformes sociales.

( ... )

Qu'avons nous demandé ?

L'organisation du crédit, de l'échange et l'association afin d'assurer au travailleur la valeur intégrale de son travail ;

L'instruction gratuite, laique et intégrale ;

Le droit de réunion et d'association, la liberté absolue de la presse, celle du citoyen ;

L'organisation au point de vue municipal des services de police, de force armée, d'hygiène, de statistique etc.

( ... )

Il ( Le peuple de Paris) affirmera son droit supérieur au vote d'une Assemblée de rester maître dans sa ville et de constituer comme il lui convient sa représentation municipale, sans prétendre l'imposer aux autres. 

Dimanche 26 mars, nous en sommes convaincus, le peuple de Paris tiendra honneur de voter pour la Commune. »

Le 24 mars, les maires, décontenancés par l'attitude haineuse de l'Assemblée et son refus à toutes concessions, finissent par donner leur accord officiel à la tenue des élections du 26 mars. Certains d'entre-eux, tels Jaclard ou Malon sont favorables au mouvement insurrectionnel. D'autres, tel Clemenceau, se veulent neutres mais cherchent à tout prix à éviter que ça ne tourne en guerre civile. Enfin, quelques-uns jouent le jeu des négociations pour géner l'action du Comité central afin de gagner du temps en faveur du gouvernement de Thiers et surtout empêcher que les fédérés aillent sur Versailles, tel Tirard qui l'avouera plus tard.

Thiers, dans un courrier qu'il adresse à ce même Tirard fait part de ses réelles intentions :

- « Ne continuez pas une résistance inutile ; je suis en train de réorganiser l'armée. J'espère qu'avant quinze jours ou 3 semaines nous aurons une force suffisante pour délivrer Paris. »

 25 mars : Dernier jour avant les élections

A Paris :

Le Comité central s'adresse à la population par voie d'affiches. Sur l'une d'elles, on lit :

cc26mars

- « Citoyens 

Notre mission est terminée, nous allons céder la place dans votre Hôtel de Ville à vos nouveaux élus, à vos mandataires réguliers.

( ... )

Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux, sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant de votre propre vie, souffrant des mêmes maux.

Défiez vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables.

Défiez vous également des parleurs, incapables de passer à l'action ; ils sacrifiront tout à un discours, à un effet oratoire ou à un mot spirituel. Evitez également ceux que la fortune a trop favorisés car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère.

Enfin cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue. Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c'est aux électeurs à connaître leurs hommes, et non pas à ceux-ci de se présenter.

Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des véritables mandataires qui ne se considèreront jamais comme vos maîtres. »

Versailles répond :

- « Citoyens et soldats

Le plus grand attentat qui se puisse commettre chez un peuple qui veut être libre, en révolte contre la souveraineté nationale, ajoute en ce moment comme un nouveau désastre à tous les maux de la patrie.

Des criminels, des insensés, au lendemain de nos revers, quand l'étranger s'éloignait à peine de nos champs ravagés, n'ont pas craint de porter, dans ce Paris qu'ils prétendent honorer et défendre, plus que le désordre et la ruine, le déhonneur.

Ils l'ont taché d'un sang qui soulève contre eux la conscience humaine, en même temps qu'il lui interdit de prononcer ce noble mot de République qui n'a de sens qu'avec l'inviolable respect du droit et de la liberté...

Il s'agit du premier de vos droits ; c'est à vous de le maintenir. Pour faire appel à vos courages, pour réclamer de vous une énergique assistance, vos représentants sont unanimes. Tous, à l'envie, sans dissidence, nous vous adjurons de vous serrer étroitement autour de cette Assemblée, votre œuvre, votre image, votre esprit, votre unique salut. »

Le lendemain se tiennent les élections à Paris.

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FG
2-8