Porte ENTREE AnarkaiA Point of view Index Commune Mise à jour : 18/03/2010
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Suite aux préliminaires de paix, les troupes allemandes doivent défiler dans Paris le 1er mars. Devant le risque imminent d'un affrontement qui pourrait tourner au tragique pour les parisiens, la Commission provisoire de la Garde nationale fait placarder sur les murs un texte le 29 février, l'affiche noire, invitant la population à ne pas réagir et à rester chez elle :

« (...) Toute attaque servirait à désigner le peuple aux coups des ennemis qui noieraient les revendications sociales dans un fleuve de sang (...) »

La consigne est suivie, il n'y aura aucun incident. Les allemands rentrent dans une ville morte. Les rues sont désertes, les drapeaux noirs pendent aux fenêtres en signe de deuil et les boutiques sont fermées. Les troupes allemandes s'orientent vers les beaux quartiers, campent 2 jours autour des Champs Elysées, puis se retirent.

Dès le 05 mars, Thiers, quant-à lui, prépare les corps de la police et de l'armée en vue de réprimer l'insurrection qu'il compte déclencher dans la capitale. 

Le 06 mars, le gouvernement nomme le général d'Aurelle de Paladines à la tête de la Garde nationale. Mais celle-ci, devenue autonome, déclare par la voix de ses délégués, réunis le 10, lui dénier toute autorité.

Ce même 10 mars, l'assemblée prend la décision de siéger à Versailles. La prochaine session est prévue pour le 20 mars. Paris perd, de ce fait, son statut de capitale. C'est une double insulte pour le peuple parisien. D'abord ce choix a une valeur symbolique, Versailles est la ville monarchiste alors que Paris est la cité républicaine. Ensuite cela montre que le pouvoir ne fait aucun cas de la longue résistance que les parisiens ont opposée aux allemands, Paris est la seule ville prise dans les combats qui n'a pas été vaincue, et des souffrances qu'ils ont endurées.

Cette mesure scelle assurément le destin de la Commune. En témoigneront les nombreuses déclarations qui suivront l'insurrection du 18 mars, insistant sur le fait que Paris retrouvait alors sa vraie place, la première, voir même celle du Porte drapeau de l'humanité.

En ce 10 mars, les députés votent également la suppression du moratoire du 13/08/1870, qui suspendait le paiement des loyers et des échéances commerciales pour la durée du conflit. De plus aux sommes à rembourser, s'ajoute un intérêt calculé à partir de la date où la dette a été contractée. C'est à nouveau un coup très dur porté aux parisiens. L'activité économique ayant été bloquée durant le siège, un grand nombre de petits patrons, de commerçants et d'artisans n'ont rien en caisse pour faire face. Plus de 150 000 personnes se retrouvent ainsi menacées d'expulsion, de faillite et de poursuite judicaire. Les députés de Paris tentent de faire reculer l'assemblée, mais en vain.

Le lendemain, c'est l'action politique qui est visée. Le général Vinoy, qui a remplacé Trochu au commandement de l'armée de Paris, fait interdire 6 journaux républicains, la Bouche de ferla Caricature, le Cri du peuple, le Mot d'ordre, le Père Duchêne et le Vengeur. Il fait fermer également les clubs. D'autre part le Conseil de guerre condamne à mort par contumace Auguste Blanqui et Gustave Flourens, en raison de leur implication dans l'insurrection du 31 octobre. Jules Vallès, quant-à lui, écope d'une peine de 6 mois de prison.

Le 15, on l'a vu plus haut, la Garde nationale élit les membres de son Comité central. Ceux-ci sont des inconnus venant du peuple, des ouvriers, des petits patrons, des artisans, des petits commerçants, des professions libérales. On y retrouve Varlin. La Garde nationale devient officiellement une armée populaire autogérée. Elle ne dépend plus de l'état. Le Comité central se choisit Garibaldi pour être sa tête, mais celui-ci décline l'offre.

Le 16, Thiers s'installe à la préfecture de Paris.

Le 17, il fait arrêter Auguste Blanqui qui se repose dans le Lot. 

Dans la soirée du 17, il réunit un conseil de gouvernement qu'il préside. Il veut pacifier Paris avant la prochaine réunion de l'assemblée du 20 mars. Son plan est donc de reprendre ces fameux canons que le Comité central a fait mettre à l'abri à Montmartre et à Belleville et de quadriller militairement la ville. Pour faciliter son entreprise, il fait libérer 300 détenus de droit commun, comptant sur eux pour semer désordres et troubles. Dans la soirée, un ordre signé frauduleusement Clemenceau, alors maire du XVIIIe arrondissement, est envoyé aux Gardes nationaux qui gardent les canons, stipulant qu'ils peuvent rentrer chez eux. Ces derniers se retrouvent, dès lors, sans protection. 

A 2 heures du matin, la réunion se termine. La mission est confiée au général Vinoy.

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Les canons sur la butte Montmartre


IV : La Commune est en fleurs

La journée du 18 mars

Les opérations militaires démarrent à 3 heures du matin. Une division de 4000 hommes est chargée de reprendre les canons à Montmartre. Une division de 6000 hommes doit occuper les Buttes-Chaumont, les gares de Strasbourg et du Nord, neutraliser Belleville et Menilmontant, et bloquer les principaux carrefours. Une 3e division doit se déployer sur la place de la Bastille, autour de l'Hôtel de Ville, dans l'île de la cité, à Saint Michel et tenir les ponts d'Austerlitz.

Les troupes arrivent à Montmartre et aux Buttes-Chaumont vers 5 heures 30. Elles réalisent qu'elles n'ont pas d'attelages pour enlever les canons. C'est du temps de perdu et cela provoque beaucoup de remue-ménage. 

Paris se réveille et découvre les soldats dans ses rues. Une affiche, placardée sur les murs, signée Thiers, proclame :

- « HABITANTS DE PARIS, (...) Depuis quelque temps, des hommes mal intentionnés, sous prétexte de résister aux Prussiens qui ne sont plus dans vos murs, se sont constitués les maîtres d’une partie de la ville, (...) le gouvernement est résolu d'agir. Les coupables qui ont prétendu instituer un gouvernement vont être livrés à la justice régulière. Les canons dérobés à l’État vont être rétablis dans les arsenaux, et pour exécuter cet acte urgent de justice et de raison le gouvernement compte sur votre concours. Que les bons citoyens se séparent des mauvais, qu’ils aident à la force publique au lieu de lui résister, (...) il faut à tout prix et sans un jour de retard que l’ordre, condition de votre bien-être, renaisse entier, immédiat et inaltérable. »

Une autre affiche, signée par le général d'Aurelle de Paladines est adressée directement aux Gardes nationaux. Elle les somme de s'en remettre aux chefs officiellement nommés par le gouvernement et de se retourner contre le Comité central.

A Montmartre, on commence à se regouper. Deux tambours sonnent l'alerte boumboum et des Gardes nationaux accourent. A 8 heures, il y a foule dans les rues et notamment de nombreuses femmes. Ces dernières vont jouer un rôle essentiel dans les événements de cette journée, en se posant face aux troupes, paralysant leurs mouvements, et surtout les exhortant à la fraternisation.

Louise Michel et Théophile Ferré, à la tête du Comité de vigilance du XVIIIe arrondissement, appellent à la mobilsation. Une foule composée de nombreuses femmes et d'enfants, entre-autres, monte sur la Butte-Montmartre. Les troupes ont commencé à emmener quelques canons, mais la population, arrivée sur les lieux fait maintenant front. Les ménagères apostrophent les soldats. Lorsque la foule s'avance, bien décidée à s'opposer à ce retrait, le général Lecomte donne l'ordre de tirer. Ses hommes hésitent puis refusent d'obéir, ils lèvent la crosse en l'air. Il est environ 9 heures, le moment est magique le contingent militaire fraternise avec le peuple. A 10 H 30, Montmartre est à nouveau aux mains des parisiens. Lecomte est fait prisonnier avec quelques officiers et 80 gendarmes. Dans le même temps des barricades s'érigent dans les rues.

Sur les Buttes-Chaumont, les Gardes nationaux qui ont les canons sous leur protection, repoussent l'armée. A Belleville les troupes lèvent aussi la crosse en l'air et se rallient au peuple.

Peu à peu, sans que le Comité central ne joue le moindre rôle, celui-ci n'est mis au courant des événements qu'au fur et à mesure de la journée, et sans qu'il n'y ait aucune coordination entre eux, chaque Comité de quartier se rend maître de son territoire. La première mairie occupée est celle du XIIIe arrondissement, un fief blanquiste, sous l'égide de Victor Duval, il est 10 H. 

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Seul un bref affrontement aura lieu, sur la place Pigalle. Un capitaine de chasseurs donne l'ordre de charger la foule, des gardes républicains ripostent et le tuent. 

On comptera également 2 exécutions. La première est celle du général Clément Thomas, qui fut l'un des artisans de la sanglante répression des journées de juin 1848. Venu dans Paris en civil pour observer les événements, il est reconnu par des fédérés. Très vite, il est entouré. Certains essayent de le protéger mais trop de monde réclame sa tête. Il est passé par les armes. La seconde est celle du général Lecomte. Elle a lieu aussi dans une grande confusion. Encore une fois, certaines personnalités et des Gardes nationaux tentent de s'interposer, mais ils sont débordés. Il semble que le général Lecomte ait été fusillé par ses propres hommes. Les autres officiers sont sauvés, puis libérés sur intervention de Jaclard et de Clémenceau.

Du côté des insurgés, Turpin, un Garde national qui veillait sur les canons de Montmartre sera grièvement blessé par un Gardien de la paix, accompagnant le général Lecomte. Il succombera de ses blessures 9 jours plus tard et sera le premier mort de la Commune.  

Ce seront les seuls actes de violence de la journée. L'insurrection du 18 mars va se réaliser de manière toute pacifique. Elle prend forme, non pas en raison d'une quelconque volonté de prendre le pouvoir de la part du Comité central qui, nous l'avons mentionné ci-dessus, ne dirige rien de ce qui se passe dans les rues, et qui n'est, de toute façon, absolument pas préparé à mener une telle action, mais suite aux défections des troupes versaillaises face à la volonté des parisiens qui ne veulent pas être dépossédés de ce qui leur appartient et qui s'opposent à ce qui ressemble à un coup-d'état dans leur ville.

Le processus de fraternisation entre le peuple et l'armée se propage dans la capitale, dans une atmosphère de fête. Les gens amènent du vin et à manger aux soldats. Tant il y a foule dans les rues, les bataillons de la Garde nationale ont du mal à progresser, alors même qu'ils ne rencontrent aucune résistance. Ils sont acclamés. Le gouvernement essaye de faire venir à la rescousse de l'armée, la Garde nationale de la Rive droite, composée d'éléments bourgeois. Très peu répondent à l'appel et du coup ceux qui ont commencés à se regrouper préfèrent abandonner la partie.

Pour le pouvoir, c'est un désâstre. Quand les troupes ne se rangent pas du côté du peuple, elles  refluent en désordre, abandonnant même leur artillerie. 

Vers 13 h, un conseil des ministres se tient. Thiers envisage déjà de quitter Paris, avec l'intention de revenir en force, selon une stratégie qu'il a déjà appliquée lors des révoltes parsiennes et lyonnaises de 1834, alors qu'il était ministre de l'intérieur. Cependant certains membres du gouvernement, tel Jules Ferry, trouvent cette fuite honteuse, et veulent rester pour résister. Un passage de bataillons de la Garde nationale sous les fenêtres du ministère provoque l'affolement et la plupart de ceux qui étaient hostiles à un retrait, y sont favorables dès lors. A 16 H, Thiers part pour Versailles et donne l'ordre à Vinoy de faire évacuer l'armée de Paris.

Aux alentours de 15 h, un vague ordre du Comité central appelle à converger vers l'Hôtel de ville. A ce moment, presque toute la rive gauche et une grande partie de la rive droite de la capitale sont entre les mains des insurgés. Les jeux sont déjà faits mais ces derniers ne le savent pas.

A 20 h, le quartier général de la Garde nationale, place vendôme, est occupé par Varlin et ses hommes qui ont fait jonction avec d'autres bataillons. Vinoy, au même moment, donne l'ordre aux troupes d'abandonner l'Hôtel de ville, qui est bientôt cerné. Ensuite, c'est la préfecture de police qui tombe aux mains de Duval. A 23 h, l'Hôtel de ville est investi par les Gardes nationaux et les rues adjacentes sont totalement occupées. 

A minuit, tous les bâtiments publics, à l'exception de la Banque de France et de l'Hôtel des Postes, sont entre les mains des insurgés. Une vingtaine de membres du Comité central se réunit dans les locaux de l'Hôtel de ville, sur lequel flotte un drapeau rouge.

L'insurrection triomphe mais le Comité central est dépassé par les événements. Même s'il s'était donné pour mission de conduire le peuple vers une transformation révolutionnaire, celle-ci arrive trop tôt et il n'y est pas préparé. Il devient, malgré lui détenteur d'un pouvoir, dont il ne se sent pas légitime et ne sait que faire. Vers minuit, il tient cependant sa première séance.

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Place Clichy : le 18 mars
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Belleville : le 18 mars

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