Dans cette section, nous évoquerons
quelques
grandes figures de la Commune. Il y'en eut tellement, sans compter tout
les anonymes qui donnèrent leur coeur et leur vie, pour ce
magnifique
projet, que cette liste n'est, bien sûr, pas exhaustive.
Militant révolutionnaire,
intègre, infatigable,
républicain puis socialiste, Blanqui sera de toutes
les
conspirations, insurrections, émeutes et révoltes
qui vont
parcourir le siècle, quand il ne sera pas en
prison. Il y
passera, près de 37 ans de sa vie, ce qui lui vaudra le
surnom de
l'enfermé. Il collaborera, aussi, à de nombreuses
sociétés secrètes
complotant contre les régimes successifs.
Dés l'age de 17 ans, alors qu'il est
étudiant à
Paris, il entre dans l'action politique. En 1824, il adhère
à la
Charbonnerie,
société secrète visant la destitution
des
Bourbons au pouvoir. Il est blessé en 1827, lors de
manifestations
étudiantes. En 1829, il rentre au Globe, journal
d'opposition au régime
de Charles X. Dans le même temps, Il étudie le
Socialisme de
Saint Simon. En juillet 1830, lors
des 3 glorieuses, il est sur les barricades. Par la suite, il organise
des cercles républicains et entre dans la
Société
des amis du peuple.
S'ensuit une condamnanation d'un an de prison en 1832, dûe en
partie
à une plaidoirie qu'il fait lors de son procès,
dans laquelle il se déclare
prolétaire et fustige le régime.
Une fois libre, il s'initie à la pensée
de
Baboeuf, dirige la
Société
des familles, avec un
dénommé
Barbès et entre dans la
clandestinité. A nouveau condamné, puis
amnistié, il refonde, avec
Barbès,
un nouveau groupe clandestin, la
Société
des saisons. En 1839, les 2 hommes tentent de fomenter une
insurrection, qui échoue. Barbès est
arrêté, Blanqui, réussit à
fuir. En 1841, il est arrêté,
à son tour et condamné à mort,
mais sa peine
est commuée en détention perpétuelle.
Malade, jugé incurable, il est
gracié, mais refuse la faveur royale.
En mars et avril 1848, il organise des
manifestations, réunissant 100 000 ouvriers, pour ajourner
les
élections à venir, afin que le peuple ait le
temps de s'instruire avant
de se prononcer. Accusé d'être responsable
d'une émeute le 15 mai, il est condamné
à 10 ans de prison. Libéré, il
reprend la lutte. Il est à nouveau
arrêté en 1861 et prend 4 ans de
prison. Son influence grandit et un parti
s'organise autour de son nom. Il s'évade en 1865 et rejoint
la
Belgique où un ami l'héberge. Il va vivre des
moments paisibles, en
profitant pour écrire sur la philosophie,
l'économie et le socialisme,
textes, regroupés dans 2 volumes posthumes,
Critique sociale.
En 1867-68, il rédige une
Instruction
pour une prise d'arme, traité de
guérilla urbaine et
programme de transition, pour aller vers une
société communiste.
En 1870, il revient sur Paris, à l'appel des
Blanquistes,
qui préparent une insurrection contre l'Empire. En vue de ce
projet, il
participe à une
tentative de prise d'armes dans une caserne, qui échoue.
Blanqui dénonce la capitulation du gouvernement
provisoire, dans la guerre contre la Prusse, notamment à
travers un
journal qu'il lance,
La
Patrie en danger. Il participe aux journées
insurrectionnelles du 31
octobre 1870 et du 22 janvier 1871. Le 17 mars, Thiers, le fait
arrêter,
en prévision des évènements qui
s'annoncent sur Paris. En prison, il ne
sera pas au courant de la Commune qui se met en place dès le
lendemain.
Libéré en 1879, il militera
pour l'amnistie des
insurgés, participant à réunions et
banquets dans toute la France. En
1880, il fonde un nouveau journal,
Ni
Dieu ni Maître.
A son enterrement, 100 000 personnes suivent ses
obsèques.
Blanquisme
Les écrits de Blanqui et ce que l'on
sait de lui
va former une doctrine. Des milliers de militants
vont s'en inspirer et elle va jouer un rôle
considérable
durant la commune. Marx dira de lui,
qu'il était
la
tête et
le coeur du parti prolétaire en France.
Dépassant Saint Simon et Fourrier,
Blanqui fonde sa pensée sur le
matérialisme, passant
du
socialisme utopique au socialisme scientifique et à
l'athéisme le
plus absolu. Celle-ci comporte, une
théorie de la révolution, de la
société et de la dictature
révolutionnaire.
La
révolution est une force créatrice qui tire son
dynamisme de la
négation opposée à l'ordre existant et
qui par la violence, transmue la
société en détruisant l'oppression
exercée par les privilégiés en lui
substituant l'égalité et l'association de tout
les Hommes. La
révolution a pour but de faire entrer l'Humanité
dans la phase de sa
maturité qui est le communisme au terme d'un processus
historique
inéluctable.
«
L'humanité a commencé dans l'individualisme
absolu et, à travers une
longue série de perfectionnements, elle doit aboutir
à la communauté. »
Il voit
l'histoire
comme le développement d'un
organisme animé par une spontanéité
créatrice. L'humanité
dispose de 2 richesses : l'intelligence et le travail et elle en
combine les efforts pour agir sur le sol, élément
passif.
La
propriété du sol devrait être
à tous. Elle le fut, mais la division du
travail a suscité l'échange, lequel a
suscité la monnaie d'où est
sorti le capital, qui par ruse et violence a capté la
propriété du
sol, des instruments de travail, de
l'intelligence et par conséquent de ses produits.
La révolution doit être
menée par les
déclassés,
à
savoir,
une minorité issue de la Bourgeoisie
qui a suffisamment d'intelligence et de coeur pour saisir
le sens de l'évolution et rompre avec sa classe.
Passés au
prolétariat, ils précipitent sa fermentation et
prennent la tête de son
combat formant la conjuration qui organise la masse. Autrement
celle-ci est vouée à
disperser sa force dans une révolte incohérente.
La révolution faite, cette
conjuration
établit la dictature révolutionnaire qui va
gouverner durant la période
transitoire qui mènera au communisme. Celle-ci, sorte de
gendarme
défendant les pauvres contre les riches s'occupera
essentiellement de
l'éducation du peuple car
«
Le communisme ne peut se réaliser que par le triomphe absolu
des
lumières ».
Enfin, l'essentiel de son travail
théorique,
consiste plus à élaborer les conditions du
triomphe de la révolution
sociale, qu'à décrire la
société future (
Instruction
pour une prise d'arme). Comme, vu, plus haut, Blanqui est
aussi et surtout un homme de terrain, participant, sans cesse, aux
révoltes et aux différentes
sociétés secrètes
révolutionnaires. C'est
surtout cela, qui lui donne une telle notoriété
dans le coeur des
ouvriers et des révoltés.
Les
blanquistes
Durant son incarcération à
Ste Pélagie
(1861), Blanqui devient le maître à penser d'un
groupe de jeunes
révolutionnaires, qui forme le noyau d'une organisation
clandestine, à
la fois parti politique et armée secrète. Durant
son exil en Belgique,
Blanqui, vient en secret à Paris donner des instructions
à ses
partisans. Cette organisation qui sélectionnait
très rigoureusement ses
membres, compte entre 2000 et 3000 adhérents
début 1870. Elle joue un
rôle important dans les manifestations et les
émeutes de cette époque.
Thiers ne s'est pas trompé, quand
à la
veille de la Commune, sentant l'insurrection arriver, il fait
arrêter
Blanqui. Cela a contribué à
désorganiser le mouvement et à
entraîner la
division de ses membres au sein du Conseil de la Commune. Thiers refusa
toujours de céder à la demande des communards
d'échanger tous les
otages détenus par la Commune contre le seul Blanqui. Il
déclara que
rendre
Blanqui à Paris équivalait à le
renforcer d'un corps d'armée.
Eugène Varlin
(1839-1871)
Eugène Varlin est sûrement, avec Louise
Michel, l'une des
plus grandes figures de la Commune de
Paris.
Socialiste d'esprit
plutôt libertaire, il demeure une
personnalité à part,
obéissant à son coeur et à la raison
plutôt qu'à un dogme absolu. On lui
reconnaît sa bonté et sa
générosité, son intelligence, sa
scrupuleuse honnêteté et une loyauté
sans
failles envers
ses idées qui le conduiront sur des sentiers
héroïques.
Né en Seine et Marne, il est fils de paysans
pauvres. Son père, journalier agricole, cultive à
son compte quelques
lopins de terre. Eugène va, malgré tout
poursuivre sa scolarité jusqu'à
l'age de 13 ans. Par ailleurs, son grand père maternel
l'entretient
de la Révolution de
1789.
En 1852, il rentre en apprentissage d'ouvrier-relieur chez
un oncle à Paris. Il excelle dans sa tâche. Il en
profite pour lire les
ouvrages qui lui passent dans les mains. Puis, il prend une chambre en
ville et travaille pour différents
patrons. Il continue, parallèlement, son
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instruction. Il
lit tout types d'oeuvres, littéraires, politiques,
économiques et sociales, puis suit des cours du soir. Il
obtient
2 seconds prix ( français et comptabilité ) et
une mention en
géométrie. Il se met même à
étudier le latin. En sus, il s'intéresse
aux arts et chante dans une chorale. En 1857, il entre dans la Société
civile des relieurs,
une société de secours mutuel qui
réunit patrons et ouvriers. En 1859,
il devient contremaître.
En 1864 puis 65, il anime les premières
grèves des relieurs,
dont les revendications sont la journée de travail
à 10 heures au lieu
de 12 et une augmentation des salaires. C'est à ce
moment
qu'il rencontre
Nathalie
Lemel. En guise de reconnaissance, pour
son activisme, ses
camarades lui offrent une montre en argent. Par contre, il se
fait repérer par la
police.
En 1866, il
participe à la fondation de la Société
civile d’épargne et de crédit mutuel
des ouvriers relieurs de Paris,
qui deviendra la Société
de solidarité des ouvriers relieurs de Paris.
Il y est élu
à la présidence et rédige les statuts
dans lesquels il dit
qu'il convient de «
poursuivre
l'amélioration constante des conditions d'existence des
ouvriers
relieurs en particulier, et, en général, des
travailleurs de toutes les
professions et de tous les pays, et d'amener les travailleurs
à la
possession de leurs instruments de travail ».
Favorable à
l'égalité des sexes, il fait entrer Nathalie
Lemel, dans le conseil
d'administration.
Entre temps,
il adhère à la section française de
l'Internationale et collabore à son
hebdomadaire, Tribune
ouvrière. Il participe aux congrès
de l'A.I.T. et va
rapidement y jouer un rôle important. A Londres, il rencontre
Marx. A
Genève il défend, contre la majorité,
imprégnée de proudhonisme,
le droit au travail pour les femmes.
En 1867, avec son frère Louis et
Nathalie Lemel,
il fonde une coopérative d'alimentation, la Ménagère,
puis
en 1868, le restaurant
coopératif la
Marmite,
qui sera un véritable succès, comptant
jusqu'à 8000 adhérents.
Devenu secrétaire, correspondant du
bureau
parisien
de la Première Internationale, Varlin va être au
coeur de nombreux
mouvements sociaux. Il fait un premier séjour en prison
d'août à
octobre 1868. En 1869,
les grèves se multiplient. Il créait la caisse du sou pour
venir en aide aux grévistes. Cette même
année, au congrès de
l'A.I.T. de Bâle, il opte pour le
collectivisme,
contre
le mutuellisme. Il se prononce pour la propriété
collective
des sols. Il contribue également à la fondation
de la Chambre
fédérale des Sociétés
ouvrières. En 1870 il constitue des sections de
l'Internationale à Lyon, Lille, au Creusot et signe le
manifeste de la
section parisienne de l'A.I.T. contre la guerre. Dans ces 2
années, il
est arrêté plusieurs fois. Fin avril, sous
la pression de ses camarades, il s'exile en Belgique pour
éviter une nouvelle
incarcération.
Revenu après la chute de l'Empire, il
participe à la création du Comité
central républicain des vingt arrondissements,
au sein
duquel il est nommé
délégué. Il s'engage dans la Garde
Nationale et
devient commandant du 193e
bataillon. Il est partisan de la défense à
outrance contre la Prusse
incarnant le Monarchisme. Il est révoqué de son
commandement après
l'insurrection du
31 octobre, qui éclate en raison de la politique du
gouvernement
provisoire.
Pendant l'hiver et le siège de Paris,
il s'occupe
de pourvoir à l'alimentation des plus nécessiteux.
Il se présente aux élections de
l'Assemblée Nationale du 8
février, comme candidat socialiste
révolutionnaire, mais sans succès.
Lors de l'insurrection du 18 mars, il participe à
la prise
de
la
place Vendôme. Il est, ensuite, élu au Conseil de
la Commune et nommé à
la commission des finances, puis à celle des subsistances.
Il
assure, également, la liaison avec les
Sociétés ouvrières. Le 2
mai il est nommé directeur
général de la manutention et des
approvisionnements militaires. Il est
reconnu pour son intégrité.
Le 1er
mai, Varlin et la majorité des internationalistes,
s'opposent à la
création du Comité de Salut public et signent le
manifeste de la
minorité.
Lors de la
semaine sanglante,
Varlin fait front sur les barricades du Ve,
puis VIe, et XIe
arrondissement. Il essaye vainement de s'opposer à
l'exécution des
otages de la Commune le 26 mai. Il se bat jusqu'à la fin sur
la dernière
barricade de Belleville, le 28 mai.
L’après-midi,
épuisé, assis sur un banc, un prêtre en
civil
le
reconnaît et le dénonce. Le lieutenant Sicre
l'arrête et le traîne
vers Montmartre sous les injures et les coups de la populace. Il est
fusillé le jour même. «
Vive la république ! Vive la Commune ! »
sont ses derniers mots. Son cadavre est frappé à
coups de crosse.
Sicre, lui vole la montre qu'on lui avait offert.
Lissagaray, Journaliste et auteur
d'une grande enquête sur la Commune de Paris paru sous
le titre de l'Histoire de la Commune de
1871, dira de
lui :
- « Le
mont des martyrs n'en a pas
de plus glorieux. (...) Toute la vie de Varlin est un exemple.
»
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«
Tant qu'un Homme pourra
mourir de faim à la porte d'un palais où tout
regorge,
il
n'y aura rien de stable
dans les institutions humaines »
Théophile Ferré
(1846-1871)
Militant Blanquiste, il gagne sa vie comme clerc d'avoué.
Poursuivi
plusieurs fois sous l'Empire pour délits politiques, il est
traduit
devant la Haute Cour de Blois en juillet-août 1870. Il est
acquitté,
faute de preuves.
Après la proclamation de la république, en
septembre 1870, Ferré
s'engage sur de multiples fronts. Il collabore à
La
Patrie en danger,
le journal de Blanqui. Actif sur Montmartre, il incorpore un de ses
bataillons de la Garde nationale et devient membre du Comité
de
vigilance du quartier. Il officie également comme
conférencier au club
des Défenseurs de la république.
Le
18 mars, il est partie prenante dans l'insurrection. Il monte avec
Louise Michel et les membres du comité de vigilance de
Montmartre sur la butte pour faire front à la
reprise des
canons
par l'armée. Après la prise de l'Hotel de Ville,
par la Garde
Nationale,
il est de ceux qui veulent aller sur Versailles pour renverser
définitivement le gouvernement Thiers.
Il est élu dans le XVIII
e
arrondissement pour siéger au Conseil de la Commune, le 26
mars. Il y
enchaîne différentes fonctions. Il est, d'abord
chargé du compte-rendu
des séances. Il est nommé à la
Commission de Sûreté
générale (affaires
de police) le 29 mars. Il devientt ensuite substitut du procureur
de la Commune, Raoul Rigault, le 1
er mai, puis
délégué à la
Sûreté générale, le 13 mai.
Il vote pour l'instauration du Comité
de Salut
public et se résigne le 24 mai à signer l'ordre
d'exécution de 6
otages. Il en assumera toute la responsabilité lors de son
jugement
devant le conseil de guerre.
Arrêté à la fin de
la commune, la justice s'en
prendra également à ses parents.
Durant son incarcération il
échangera des
courriers avec Louise Michel, qui lui voue une grande passion amoureuse.
Jugé le 07 août, il assume
lui-même sa défense,
déclarant au final :
«
Membre de la Commune, je suis
entre les mains de ses vainqueurs. Ils veulent ma tête,
qu'ils la
prennent ! Jamais je ne sauverai ma vie par
lâcheté. Libre j'ai vécu,
j'entends mourir de même. Je n'ajoute plus qu'un mot : la
fortune est
capricieuse. Je confie à l'avenir le soin de ma
mémoire et de ma
vengeance. »
Condamné à mort, le 02 septembre, il refuse de
demander sa grâce.
Lissagaray relatant son
exécution, dit :
«
(...)
Ferré vint le dernier, vêtu de noir, le binocle
à l'oeil, le cigare aux
lèvres. D'un pas ferme, il marcha au troisième
poteau... Ferré jeta le
bandeau, repoussa le prêtre qui venait à lui et,
ajustant son binocle,
il regarda bien en face les soldats. »