Ceux sont, en quelque sorte, des associations, qui
se
réunissent publiquement et ce, de manière
permanente, pour mener des
débats
de société ou politiques. On peut citer
le Club des
Jacobins. Ils naissent pendant
la Révolution
française. Ils se voient fréquemment interdits au
cours du XIXe
siècle, par
les régimes autoritaires qui
se succèdent.
Ce sera le cas sous le Second Empire.
Après la proclamation de la république, ils
réapparaîssent nombreux dans Paris. Si le principe
reste le même que
sous la
révolution de 1789, on y apporte aussi une touche nouvelle,
la
démocratie
directe. Ils vont se multiplier et jouer un rôle fondamental
pendant la Commune, constituant un lien entre le peuple et ses
institutions. Nous les verrons plus en
détail, quand nous serons au coeur
de l'événement. A ce moment de l'histoire, on
peut dire que ce sont des
lieux où l'on
essaye d'élaborer un projet commun de
société. Enfin on peut ajouter
que les Femmes y sont particulièrement actives. Certains
clubs sont
d'ailleurs principalement féminins.
Les
comités de Vigilance / Le Comité central
républicain des Vingt
arrondissements
Au soir du 04 septembre, la Chambre
fédérale des Société
ouvrières réclame l'organisation dans les plus
brefs délais,
d'élections municipales pour remplacer les maires
nommés sous le Second
Empire. D'autre part, des militants ouvriers pensent
qu'il faut créer des organismes de
surveillance populaire afin de veiller au maintien de la
république et
de
ses principes fondamentaux (Liberté de presse, de
réunion,
d'association etc..). Ceux-ci mis en place dans les
différents
quartiers de
Paris pourraient également permettre de pourvoir aux mesures
urgentes
qui leur sont propres, que ce soit en matière de
défense ou de
répartition
des
subsistances, en agissant directement ou en portant des
réclamations aux autorités
compétentes.
Le lendemain, 4 à 500
délégués ouvriers, notamment issus de
la Chambre fédérale des
Sociétés
ouvrières et de l'Internationale, se rassemblent et votent
la
résolution suivante :
-
« Il
faut organiser sur le champ des comités
républicains dans chaque
arrondissement. Chaque arrondissement déléguera 4
de ses membres pour
former un comité central. »
Dans les
jours qui suivent, les Comités sont
créés dans plusieurs
arrondissements. Ils prennent le nom de Comité
de Vigilance.
Le
13 septembre, le Comité
central républicain des Vingt arrondissements
(appelé
aussi Comité
de la
Corderie, ses réunions se faisant Place de la
Corderie)
entre en fonction. Le
15, il placarde une affiche sur les murs de la ville, qui pose les
bases d'un programme politique communal portant sur 4 points
:
- Police et
sécurité publique
: Supprimer la police issue des régimes
monarchiques et la remettre aux mains des municipalités.
Nommer par
quartier les magistrats répondant au principe de la
responsabilité et confier à la Garde nationale la
mission de les
assister. Abroger toutes les lois restrictives, répressives
et fiscales
contre le droit d'écrire, de parler, de se réunir
et de
s'associer.
- Subsistances
et logements :
Réquisitionner des marchandises, des logements et mener un
programme de
rationnement pour pouvoir résister à un
siège de la ville par les
troupes allemandes.
Les 2
autres points concernent l'organisation de la défense de
Paris et de la
province.
Parmi les signataires, on retrouve les
noms de futurs
communards, Pindy, Vaillant, Malon,
Ranvier, etc...
Il est à noter
que
d'autres types de comités ou d'associations voient
le jour à la suite de la proclamation de la
république. Si cela
témoigne d'une activité politique intense, il
n'en demeure pas moins
que les forces se dispersent. C'est ainsi que prend
forme l'idée fédérative
qui va régir le Comité central des
Vingt arrondissements, avec la volonté de concilier la
particularité et
l'autonomie
de chacun et l'action commune.
Les Comités de Vigilance animent la vie
politique
des
quartiers et contrôlent le travail des maires,
renommés depuis le 7
septembre. Le Comité central des Vingt
arrondissements devient
une
sorte de Gouvernement de Paris en parallèle au Gouvernement
de la
Défense
nationale.
Pour contrer son influence, ce dernier
mène une
campagne
de calomnies à l'encontre de certains de ses membres, qui
s'avèreront non-fondées mais qui terniront un peu
son image. Un appel à
manifester, lancé le 8 octobre,
pour protester contre l'ajournement des
élections municipales, échoue faute de
participants.
Le Comité central renforce, pourtant,
son
organisation en tenant des
séances quotidiennes et renouvelant ses mandataires
régulièrement.
Au 1er
janvier 1871, il change de nom
et devient la Délégation des Vingt
arrondissements. Dans la nuit du 5
au 6 janvier, cette délégation fait placarder sur
les murs de
Paris, l'Affiche rouge, qui
dénonce la
faillite du gouvernement et lance un appel à la
création de la Commune.
Après les élections de
l'Assemblée Nationale du 8
février, au cours de laquelle la
Délégation fait une campagne active,
son importance diminue au profit du Comité central de la
Garde nationale, qui dispose d'une bien plus large base populaire, ses
effectifs, allant en augmentant à mesure que le
siège dure. Son rôle
s'amoindrit encore plus après l'insurrection du 18 mars et
les
élections pour le Conseil de la Commune, auxquelles elle
participe
encore activement, en reprenant son nom d'origine. La
plupart de ses candidats sont élus.
Le Comité central des Vingt
arrondissements tient
sa
dernière séance le 19 mai.
Paris, assiégé, forme son
armée populaire et fait, via
celle-ci l'apprentissage de la démocratie directe. Cette
armée élit ses
officiers, malgré un état-major
imposé. Elle ne tarde pas à créer une
organisation autogérée qui finit par doubler
l'administration ordinaire
au niveau
de chaque arrondissement. La Garde nationale va être
l'embryon d'un
pouvoir populaire.
Revenons, en arrière,
car cette Garde Nationale a une histoire.
En juin 1789, les Parisiens réclament
l'institution
d'une Garde bourgeoise pour maintenir l'ordre. Louis XVI
refuse
mais le 13 juillet
Paris vote pour la formation d'une milice de 48 000 hommes, dont
Lafayette
est élu commandant. Les autres villes suivent le mouvement
et
l'ensemble de leur Garde est unifié en une Garde nationale
qu'organise la loi du 14 octobre 1791. Tous les citoyens actifs
(électeurs payant une contribution directe égale
à 3 journées de
travail) au-dessus de 18 ans doivent désormais en faire
partie.
La Garde parisienne va jouer un grand
rôle dans les
journées révolutionnaires. Elle est ensuite
écrasée par Bonaparte, puis
réorganisée en 1805 et 1812. L'empereur y
incorpore tous les hommes
valides mais se réserve la nomination des officiers.
Louis XVIII la place sous sa charte.
Charles X, voyant en elle un foyer potentiel du libéralisme,
la dissout
le 29 avril 1829.
La Garde
nationale se
reforme à partir de la révolution de 1830. Elle
devient un instrument
de soutien au régime de Louis-Philippe, intervenant avec
vigueur dans
la
répression des insurrections (1832, 1834 etc..).
Elle rejoint
le camp
républicain, lors de la révolution de
février 1848, et prend part au
renversement de la Monarchie de juillet. Elle se range, à
nouveau, du
côté du pouvoir et participe activement
à l'écrasement de la révolte
ouvrière lors des sanglantes journées de juin. A
cette époque, tous
français agé de 25 à 30 ans, jouissant
de ses droits politiques, en
fait partie. Si l'état lui fournit les armes, le Garde doit
s'acheter
lui même ses vêtements. Son service reste gratuit
s'il reste dans les
limites de sa commune mais il reçoit une solde s'il doit
intervenir au
delà.
Mise en sommeil sous le Second Empire, le recours
à la
Garde Nationale est remis à l'ordre du jour, dès
le début de la
guerre contre la Prusse et des premiers revers de l'armée
française.
Des milliers de
demandes
d'enrôlement ont lieu. L'Empire cherche à les
contenir, en limitant le
nombre de
bataillons et en les composant d'éléments
sûrs. 60 Bataillons de
tendance bourgeoise sont créés en
août. Le 06 septembre, 2 jours après la chute de
l'empire, 60 autres
bataillons sont constitués, encore une fois avec des
éléments modérés,
mais tous
les bataillons suivants se forment dans les quartiers populaires et de
manière massive. A la fin
du mois, on en compte 254, regroupant 300 000 hommes. Les armes et une
solde, ce qui n'est pas négligeable à une
époque où le chômage frappe
dûrement les parisiens, sont fournies par
l'intermédiaire des mairies.
La Garde nationale se compose de 20
légions, 1
par
arrondissement. Chacune comprend un certain nombre de bataillons,
variant suivant le nombre d'habitants de son arrondissement
respectif. Ces bataillons élisent leurs chefs et se
politisent de plus
en plus au fur et à mesure du siège. Les
Blanquistes et dans une
moindre mesure, les Internationalistes occupent une place
prédominante
dans les états-majors des bataillons. Originellement milice
bourgeoise,
la Garde nationale devient une véritable
armée populaire et républicaine. Elle va
être partie prenante dans les
insurrections du 31 octobre et du 22 janvier.
L'armistice précipite la formation du Comité
central de la Garde
nationale qui va fédérer les bataillons.
L'initiative en revient à un certain
Henri de La
Pommeraye, journaliste et à un commerçant du nom
de Courty. Ils
organisent une première réunion le 6
février d'où un bureau ressort. Il
est
chargé de convoquer tous les
délégués d'arrondissement de la Garde
nationale à une nouvelle assemblée
prévue pour le 15 février au
Vauxhall. Ce jour là, à l'exception de ceux du 1er
et 2e
arrondissement, tous les délégués sont
présents. Une commission
provisoire est élue. Elle a pour mission
d'élaborer les statuts
d'une
fédération de la Garde nationale. Le 24
février, 2000 délégués,
représentant 200 bataillons, se réunissent
à nouveau. Ils adoptent le
projet de fédération et votent une motion
précisant que la Garde
nationale résistera par la force à toute
tentative de désarmement. Le
03 mars à la suite d'une nouvelle réunion, un
comité exécutif
provisoire est élu et le 04, il publie une proclamation
déclarant que
la Garde nationale sera désormais dotée d'un
Comité Central
élu. Elle devient
totalement autonome :
« Le
Comité central de la Garde nationale, nommé dans
une assemblée générale
de délégués représentant
plus de 200 bataillons, a pour mission de
constituer la Fédération républicaine
de la Garde nationale, afin
qu'elle soit organisée de manière à
protéger le pays mieux que n'ont pu
le faire jusqu'alors les armées permanentes, et à
défendre, par tous
les moyens possibles, la république menacée. Le
Comité central n'est
plus un comité anonyme, il est la réunion de
mandataires d'hommes
libres qui connaissent leurs devoirs, affirment leurs droits...
»
Le 10 mars, suit une proclamation
encore plus virulente :
- « Plus
d'armées permanentes, mais la nation tout entière
armée ... Plus
d'oppression, d'esclavage ou de dictature d'aucune sorte, mais la
nation souveraine, mais les citoyens libres se gouvernant à
leur gré.
»
Un appel à la fraternisation est
lancé, en même
temps, à
l'armée régulière.
Le 15 mars, au cours d'une nouvelle
assemblée, le
Comité
central est élu, fédérant 215
bataillons adhérents qui ne
reconnaissent pas d'autre autorité que la sienne et qui se
fixent comme objectif l'instauration d'une république
démocrate et
sociale.
3 jours plus tard c'est l'insurrection du 18 mars,
au cours
de
laquelle, la Garde nationale va prendre le contrôle des
événements
et fournir son armée
fédérée à la Commune. Elle
démontre, ce
faisant, qu'une armée populaire peut devenir une force
révolutionnaire.
Le gouvernement en comprendra la leçon et la dissoudra
définitivement
par la loi du 30 août 1871.
Revenons maintenant à la chronologie
des derniers
événements, qui de février
à mars, vont finir par provoquer
l'insurrection du 18 mars.
En route vers
la Commune
L'armistice
signé,
il s'agit, dès lors, pour les
membres du
Gouvernement, d'organiser au plus vite des élections pour
qu'une
nouvelle assemblée, émanant d'une
volonté nationale, légitime la
signature de la paix. Elles sont fixées pour le 08
février et sont
baclées en 10 jours. Il n'y a pas de campagne d'information
si ce n'est
dans quelques grandes villes. Aucune réunion
électorale n'est faite
dans les 43 villes occupées par les garnisons allemandes.
Enfin 500 000
soldats, prisonniers de l'autre côté du rhin ou
internés en Belgique et
en Suisse ne peuvent pas voter. Gambetta, grand républicain
dans l'âme,
voyant la république en danger fait passer un
décret qui empêche les
personnalités les plus impliquées dans le
régime du Second Empire ainsi
que les membres de la famille impériale d'être
éligibles. Mais Jules
Simon
s'empresse de le faire annuler. Gambetta démisionne le
06.
A Paris, la campagne électorale est
très active.
La Chambre
fédérale des Sociétés
ouvrières, l'Internationale et la
Délégation des
Vingt arrondissements présentent en commun une liste de
candidats socialistes révolutionnaires, dont on
retrouvera la
plupart au sein du Conseil de la Commune. Ils publient un manifeste
:
« Ceci est la liste
des candidats
présentés, au
nom d'un
monde nouveau, par le parti des
déshérités, parti immense, mais qui,
jusqu' aujourd'hui, n'a pu être agréé,
pour quoi que ce soit, par les
classes qui gouvenent la société... Les
candidatures socialistes
révolutionnaires signifient : Défense
à qui que ce soit de mettre la
République en question; Nécessité de
l'avènement politique des
travailleurs; Chute de l'olligarchie gouvernementale et de la
féodalité
industrielle;
Organisation d'une République qui, en rendant aux ouvriers
leurs
instruments de travail, comme celle de 1792 rendit la terre aux
paysans, réalisera la liberté politique par
l'égalité sociale.
»
Seuls 4 d'entre
eux sont élus,
Charles Gambon, Félix Pyat, Henri
Tolain
et Benoît
Malon, Paris optant plus
pour des bourgeois démocrates ou libéraux
tels Blanc, Hugo ou encore Clémenceau. Ces
élections offrent surtout
une victoire écrasante des monarchistes de diverses
tendances. On les
nomme les ruraux.
Ils ne cachent guère leurs intentions de remettre en place
une
Restauration. Ils totalisent quelques 400 députés
face à un
peu plus de 150 républicains. On compte aussi une centaine
d'élus d'un
centre incertain. La rupture entre le peuple de Paris et la province
est consommée.
Capitularde mais chauvine,
l'assemblée invalide le mandat de Garibaldi le 8 mars car il
est
d'origine italienne et donc étranger. Il reste pourtant le
seul général
invaincu dans cette guerre contre la Prusse, il s'était
rallié à la
France au nom
de l'idéal républicain. Victor Hugo,
après un
discours en sa faveur, donne sa démission.
L'assemblée a, dès lors, 2
priorités : Signer la
paix
et
soumettre Paris. Les députés se
réunissent le 13 à Bordeaux. Si la
raison en est que la capitale est assiégée,
Bordeaux représente aussi
l’anti-Paris, elle n’a jamais subi
d’insurrections populaires.
La première
mesure votée est l'annulation de la maigre solde des Garde
nationaux.
Ce qui, en ces
temps de chômage, privent des centaines de milliers de
parisiens d'un
revenu sûr. Le 16, l'assemblée se donne Jules
Grevy comme président et
place Adolphe Thiers à la
tête du
pouvoir exécutif. Le 19, il est investi officiellement de sa
fonction
et forme son ministère. Les parisiens le
détestent et le surnomment Foutriquet
ou
encore Thiers 1er, roi
des capitulards.
Adolf Thiers
Assemblée
Nationale à Bordeaux
Du 24 au 26
février, des manifestations
spontanées se déroulent dans Paris. Des
bataillons défilent aux sons des tambours autour de la
bastille dans
une atmosphère de liesse. Ils ornent le monument de drapeaux
et
de bannières et déposent des couronnes
d'immortelles à son
socle. On fête
l'anniversaire de la révolution de février 1848
et la constitution de
la Garde nationale en fédération
autonome.
Dans le même temps, les
canons, laissés à l'abandon
par le
gouvernement
comme pour les remettre aux mains de l'ennemi, sont
rassemblés et mis à
l'abri dans les quartiers de Montmartre et de Belleville. Ils ont
été
fabriqués par
les manufactures de Paris et financés par une souscription
populaire
(pour la petite histoire, Victor
Hugo en payera lui même 2 avec les droits de la
première édition des Châtiments).
Les parisiens considèrent donc, qu'ils leurs appartiennent
légitimement. De plus la Garde nationale a fait part de son
refus
d'être désarmée.
Du côté du
gouvernement, Thiers
rencontre Bismarck à
Versailles. Les préliminaires de paix sont signés
le 26 et sont
ratifiés le 1er
mars par l'assemblée. La France accepte la perte de
l'Alsace et d'un tiers de la Lorraine en dépit des
protestations des
députés de ces
régions, et le versement d'une indemnité de 5
Milliards à l'Allemagne,
qui doit retirer ses troupes au fur et à mesure du paiement.
Les mains libres, Thiers peut
maintenant s'attaquer à sa deuxième
tâche, la
soumission de ce Paris, qui prend une dangereuse tournure
révolutionnaire. Il faut écraser, une
bonne fois pour toutes,
ce
peuple rebelle avec ses aspirations d'émancipation et lui
couper pour
longtemps, l'envie de renverser l'ordre bourgeois. Thiers semble
bien avoir un plan pour cela. Il va multiplier les provocations
à
l'égard de Paris.