III
: La floraison de la Commune
La guerre de 1870-71 entre la France et la Prusse
va déposer les dernières couches de terreau
favorable à la floraison
communale. 2 éléments consécutifs
qui s'articulent, répandent la révolution sociale
dans les esprits :
-
1 : La débâcle de l'armée
française, qui semble prendre une tournure
délibérée, de la part de
l'état.
-
2 : L'auto organisation des parisiens pour faire face au
siège
prussien,
durant l'hiver.
Nous allons, d'abord reprendre les
évènements de manière
chronologique jusqu'à l'armistice. Nous verrons ensuite,
comment les
parisiens s'auto organisent durant le siège. Et nous
finirons sur
l'enchaînement des faits qui, après l'armistice,
vont conduire à
l'insurrection du 18 mars.
La
Guerre Franco Prussienne /chronologie des
événements
Déclaration
de guerre
Bismarck, 1er
ministre du royaume de Prusse, rêve de construire
un empire allemand sous direction prussienne. Après avoir
écrasé
l'autriche en 1866, il ne lui faut
plus qu'un ennemi exterieur avec qui entrer en guerre pour
souder
l'unité allemande.
Napoléon III,
de son côté, en laissant à Bismarck les
mains libres contre l'Autriche,
attendait de sa part une contrepartie territoriale. Il
s'était accordé
avec lui, en secret, pour le Luxembourg.
Non seulement Bismarck va finalement se rétracter, mais de
surcroît, il
va ébruiter l'affaire, mettant l'empereur dans une position
embarrassante aux yeux des autres pays de l'europe. Dès
lors, la france
se retrouve
isolée et humiliée, nourrissant un esprit de
revanche.
Le ton va monter entre les 2
nations au mois de juillet 1870.
Bismarck cherche, depuis un certain temps,
à
placer un
prince allemand, Leopold de Hohenzollern-Sigmaringen, sur le
trône
d'Espagne, vacant
depuis 1868. Le 21 juin, sa candidature est posée. La
France, qui y
voit une dangereuse
escalade de plus dans l'expansion prussienne, s'y oppose
fermement. Guillaume 1er,
roi de Prusse, accepte de la retirer le 09 juillet. Cependant du
côté
français, on réclame du roi prussien, qu'il se
prononce pour un
renoncement définitif. Le 13, un ambassadeur est
envoyé à cet effet, à
Ems, où séjourne Guillaume 1er.
Le roi refuse de
le recevoir et envoie, en guise de réponse,
un télégramme,
la Dépêche d'Ems,
à
Bismarck, lui laissant le soin d'en faire l'annonce
officielle. Si le ton du message est agacé, il confirme,
tout de même,
le retrait de la candidature du prince allemand. Mais pour Bismarck,
c'est l'occasion de retourner la situation et de
pousser les autorités françaises à
déclencher les hostilités. Il
condense le texte, qui prend une tournure insolente. La
dépêche est
publiée le lendemain dans les journaux de chaque
côté du Rhin. En
France, déformée un peu plus, elle prend une
allure encore plus
insultante.
Napoléon III et son 1er
ministre, issue
de l'opposition républicaine, Emile Ollivier, sont
plutôt favorables à
la paix. Mais la Presse et la chambre se
déchaînent et réclament qu'on
lave l'affront.
Face au conflit qui s'annonce imminent,
l'A.I.T lance un
appel
à la fraternisation
aux travailleurs des 2 pays. Les sections allemandes et
française de
l'internationale s'adressent mutuellement des messages pacifiques et
d'amitié. Il est fait mention de la solidarité
internationale des
ouvriers et du refus
de participer à une guerre dynastique. Ces appels
n'empêcheront rien.
Manifestation
pour la paix à Paris, en juillet
La guerre est-elle juste ?
Non !
La guerre est-elle nationale
? Non ! Elle est purement dynastique.
Au nom de l'humanité, de la
démocratie et des véritables
intérêts de la France, nous adhérons
complètement et énergiquement à la
protestation de l'Internationale
contre la guerre
( La
Marseillaise 22 juillet 1870 )
|
Le
19, juillet la France déclare la guerre à la
Prusse, soulevant un
enthousiasme populaire.
La
débâcle française
L'armée française n'est, en
fait, pas
prête pour une guerre européenne. Elle ne s'est
pas remise du désastre
de l'expédition mexicaine. Elle est mal
équipée, en infériorité
numérique et de surcroît n'a
aucun chef militaire de valeur. Elle subit défaites
sur défaites et les armées allemandes occupent
rapidement l'est de la
France. Napoléon III capitule le 2 septembre à
Sedan. Il est fait
prisonnier le jour même. C'est la fin du second Empire.
Napoléon
III et Bismarck, le 2 septembre
Le
Gouvernement de la Défense Nationale
Le 4
septembre, les parisiens envahissent l'Assemblée Nationale
et empêchent
le corps législatif de délibérer. Ils
réclament l'instauration de la
République. Léon Gambetta proclame
la
déchéance
de l'empire. La suite des événements se passent
à l'Hotel de Ville.
Sous
l'impulsion de Jules
Favre et de Jules
Ferry,
on
s'empresse de former un nouveau gouvernement,
composé
exclusivement de députés républicains
modérés de Paris. Il faut éviter
que des
représentants du peuple puissent siéger.
Malgré tout, une place est
concédée à l'un d'entre eux, Henri Rochefort.
Ce dernier, grand tribun et fondateur de nombreux
journaux anti-
Bonapartistes, jouit d'une grande popularité. Tout juste
libéré de
prison, la foule
le
porte en
triomphe à l'Hotel de Ville. Il va pouvoir servir de caution
d'extrême
gauche au nouveau pouvoir. La République est
proclamée. La présidence
est confiée au général Trochu.
La débâcle continue
et le 19
septembre Paris est assiégé. Des tractations ont
lieu en secret avec
Bismarck. La nouvelle se répand dans Paris et on commence
à
se méfier de ce gouvernement. Gambetta quitte Paris, en
ballon le 7
octobre, pour
aller animer la résistance en province. Les autres
ministres, débarrassés de ce promoteur de la
guerre à outrance, ne
songent plus qu'à gagner du temps et traiter avec la Prusse.
Il
faut rendre la défaite inéluctable pour
décourager Paris de toute
résistance.
Pour quelles raisons Paris est-il
animé
de cette fibre patriotique ?
Entre autres, parce que Paris est républicain et
voit
dans une victoire de l'Empire allemand, un retour de la monarchie et de
la réaction.
Pour quelles raisons, alors, ce gouvernement
républicain
préfère-t'il la capitulation ?
Essayons d'être objectif, dans la limite de nos
connaissances .
Donc en sa faveur, on peut plaider, que vu le
désastre, il
juge sincèrement que les carottes sont cuites. Il est
préférable,
alors, de réaliser une paix où l'on sauve les
meubles.
Mais la véritable raison semble être
tout autre. La
révolution sociale est en train de
se répandre dans les esprits, notamment au sein de la Garde
Nationale, armée populaire constituée de civils.
L'ennemi
à abattre devient donc, non
plus, plus l'envahisseur teuton, avec qui l'on peut toujours
négocier, mais bien le coeur de Paris qui prend
cette
dangereuse
couleur rouge et qui plus est, est en armes.
A Metz, Bazaine,
chef des armées du Rhin, renonce au combat après
la chute de l'Empire.
Il se laisse encercler et cherche à négocier
une sortie de son armée, pour dit-il « sauver la France
d'elle-même
». Il capitule le 27 octobre,
offrant, dès lors aux Allemands la possibilité de
se déployer sur
Paris.
Le
Gouvernement de Défense Nationale tente de camoufler cette
reddition.
Le
28 octobre, un petit groupe armé, parti en reconnaissance
sur le
Bourget, à l'extérieur de Paris, se rend
maître de la ville après un
combat de courte durée. 2 bataillons leur sont
envoyés en soutien par
leur chef, le général Bellemare. Une
percée dans les lignes allemandes
devient envisageable. Bellemare informe Trochu, mais celui-ci ne
réagit
pas. Les troupes allemandes peuvent contre-attaquer en toute
quiétude.
Les français sont peu à peu encerclés.
Ils sont 3
000 face à 15 000 allemands. Ils attendent des renforts qui
ne
viendront jamais. Ils tiennent,
quand même le siège pendant 2 jours. La
lutte est héroïque mais
désespérée. Les combats se terminent
maison par
maison. La plupart
des français y trouvent la mort. On les a
abandonnés. Le Bourget est
repris le 30 par les forces allemandes.
La nouvelle de ces 2 trahisons met le feu aux
poudres à paris et provoque une insurrection le 31.
L'insurrection
du 31 octobre
Au petit matin, les
parisiens, ayant pris connaissance de ces 2
échecs, y voient
une
volonté délibérée du
gouvernement de capituler. Dans divers quartiers,
des rassemblements se forment puis convergent vers l'Hotel de Ville, en
lançant des slogans
: « A bas
Trochu ! Vive
la Commune !
Pas d'armistice ! ». Les alentours de l'Hotel
de Ville
sont noirs de monde, les
grilles cèdent et l'enceinte est envahie. Les membres du
gouvernement
se retrouvent prisonniers de ce torrent humain. Cent projets se
discutent et se contredisent. La préfecture est à
son tour occupée.
L'insurrection semble victorieuse, mais elle est
isolée.
Ferry et un autre ministre, Picard qui ont pu s'éclipser
réunissent des
bataillons fidèles au gouvernement et cernent l'Hotel de
ville. Il y a
tellement de monde, que l'on ne peut se battre. Le jeu des
transactions commence. Promesse est faîte, aux
insurgés qu'il n'y aura
pas
de poursuites. Chacun sort librement.
En
réalité, quatre jours plus tard les arrestations
commencent.
L'insurrection a échoué,
car
trop improvisée, mais une marche de plus
vient d'être franchie sur le chemin de la Commune.
L'organisation
de la défaite
Le 28 novembre est organisée
une sortie sur la Marne. Elle doit se combiner avec une offensive de
l'armée de la Loire. Supérieurs en nombre les
Français occupent
Champigny le 30. Faute de ravitaillement et à
cause du froid, ils doivent battre en retraite le 3 décembre.
Plus grave,
Trochu et le Gouvernement vont organiser une défaite,
pressés, qu'ils
sont, d'en
finir, car la colère gronde. Il faut faire admettre aux
parisiens qu'il
n' y a plus d'alternatives. Il faut faire mordre la
poussière à la
Garde Nationale. On entend dire dans les conseils de Gouvernement :
- « L'opinion
publique ne sera contente que quand il y aura 10 000 gardes nationaux
par terre.
»
Le 18 janvier 84 000
hommes sont rassemblés à grand bruit,
comme
pour prévenir l'ennemi. Ils passent la nuit dans le froid et
sous la
pluie.
Au matin, une attaque est lancée sur Versailles. Les gardes
nationaux
conquièrent des positions, mais on les laisse
s'épuiser. L'artillerie
et les réserves restent en arrière. A 18 heures,
alors que la
contre-attaque allemande fléchit, Trochu sonne la retraite.
La Garde
Nationale comprend alors qu'on ne l'a fait sortir que pour la
sacrifier. Bilan : 4070 morts, dont le tiers environ pour la
Garde.
Le 22, la révolte gronde dans la capitale et une
foule énorme
se masse devant l'Hotel de
ville. Beaucoup de femmes sont présentes. Les mobiles
bretons tirent
sur la
foule. Les Gardes Nationaux ripostent. Le tiraillement dure un certain
temps, puis les gens se dispersent, découragés.
On compte une trentaine
de
morts et de nombreux blessés. Des arrestations suivent, 17
journaux
sont
interdits et on ordonne la fermeture des clubs. Le gouvernement
prépare le terrain pour la capitulation, mais la
révolution sociale se
précise un peu plus dans le coeur de Paris
L'armistice
Le lendemain, Favre rencontre Bismarck
à
Versailles. Il
lui propose un armistice pour pouvoir organiser les
élections d'une
Assemblée, qui serait habilitée à
signer la paix. Ce dernier fixe des
conditions : le désarmement des forces
françaises, l'entrée des troupes
allemandes dans
Paris et le paiement d'un tribut de 200 millions de francs et
l'annexion de l'Alsace. Le Français
sait
qu'on ne peut désarmer la Garde Nationale et que
l'entrée des allemands
dans Paris serait vécu comme un véritable affront
par le peuple. Il
réussit à la faire retarder et obtient qu'une
division reste armée pour
maintenir l'ordre.
Le 25, le
gouvernement donne son aval. L'armistice est signé
le 26. A
minuit les
canons allemands se taisent.
Le lendemain, 400 officiers signent un pacte de
résistance, un bataillon de la Garde Nationale se rend
à l'hotel de
ville au cri de « Non
à
l'armistice », une tentative d'insurrection
avorte faute
de cohérence entre les différents mouvements.
Le 29, la nouvelle est officielle,
placardée sur
les murs. Les victuailles réapparaissent comme par
enchantement, les
spéculateurs ne peuvent plus miser sur la rareté.
Les Parisiens se sentent bernés. Ils
ont souffert
de faim
et de froid dans un hiver particulièrement rigoureux
(pointes à -12 °C
en décembre), la situation s'aggravant au mois de janvier
avec les
bombardements allemands sur la ville.
Le gaz, pour se chauffer, est rationné dès le 16
novembre. On mange
chats, chiens et rats. Dès le 24 octobre, on sacrifie les
animaux du
jardin des plantes pour les restaurants de luxe. 2
éléphants, Pollux et
Castor sont fusillés et vendus à la fin novembre,
pour 27 000 francs, à
une boucherie. Les prix montent, un chat se vend 20 fr, un corbeau, 5
fr. Le pain, base de l'alimentation, est rationné
à partir du 18
janvier. Les classes populaires sont, évidemment, les plus
touchées par
cette conjoncture, s'enfonçant d'autant plus dans la
misère, que les
activités économiques sont bloquées.
Le taux de mortalité double en
quelques mois, notamment en raison des affections pulmonaires dues au
froid et à la malnutrition.
Les Parisiens
ressentent leur sacrifice vain. Ils ne pardonnent pas ces souffrances
inutiles.
Les membres du gouvernement préparent les
élections de l'Assemblée
Nationale qu'ils veulent organiser le plus rapidement possible. Thiers,
le futur bourreau de la Commune, qui a déjà
montré qui il était,
pendant la révolte des Canuts se prépare en
coulisse.
Mais avant d'en venir aux derniers événements qui
conduisent à
l'insurrection du 18 mars, nous allons examiner 3 structures, au
travers desquels les parisiens prennent leur destinée en
main durant le
siège hivernal.
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