Sous le Second Empire la France
connaît un
essor économique sans précédent. Elle
entre dans l'ère du capitalisme
de la grande
industrie et du commerce international. En 18 ans,
la production de charbon passe de 5 à 13,5
millions de tonnes, celle du
minerai de fer de 1,7 à 3,1 millions de tonnes. Les voies
ferrées passent de 3.910 à 18.000 km. Les
villes se transforment à travers de grands travaux de
rénovation.
Paris change de visage sous
l'égide du préfet Haussmann.
Les maniements de capitaux et les besoins de
crédits prennent une ampleur considérable.
Napoléon III créait le
Crédit Foncier en 1852. Des
grandes banques se montent, le Crédit Mobilier en 1852, le
Crédit Lyonnais en 1863, la
Société Générale en
1864, etc... Un nouveau mécanisme
financier se met en
place,
basé
sur des émissions d'actions et d'obligations,
entraînant la spéculation
boursière.
Les
différentes campagnes militaires, tombeaux de bien plus de
100 000
hommes, vont générer d'excellentes
affaires pour les maîtres
du capital.
Les élites au pouvoir changent. La
noblesse
disparaît de
l'administration politique au profit de la haute bourgeoisie des
affaires. Eugène Schneider, propriétaire d'une
grande partie de la
sidérurgie, est ministre du Commerce puis
président du
Corps
législatif, durant la période de l'Empire
libéral. Achille Fould, un
des
fondateurs du Crédit mobilier, est ministre des
finances de
1849 à
1852, puis de 1861 à 1867.
Si les tenants du capital se constituent d'immenses
patrimoines,
c'est au détriment d'une main d'oeuvre
ouvrière corvéable à merci. Les
écarts de revenus entre les classes dirigeantes et
les prolétaires
ne font que se s'élargir. Ces derniers n'ont pas le droit au
chapitre.
Ils subissent
les
aléas des crises et doivent se contenter de salaires
misérables qui n'évoluent guère et ne
suivent pas la hausse des prix.
Entre 1850 et 1870, les salaires augmentent de 15 à 30%
alors que le
coût de la vie croît de 45%, avec des hausses de
50% pour
l'alimentation et de 100 à 150% pour le logement. Si la
journée de
travail reste de 12H, les cadences grimpent. Dans les mines, la
moyenne d'extraction quotidienne passe de 643 kg en 1851 à
777 en 1869.
Hommes, femmes et enfants sont tous logés
à la même enseigne. C'est
dans la population ouvrière que la mortalité
infantile est
la plus forte.
Le développement du capitalisme
entraîne une
concentration ouvrière dans les villes. Entre 1850 et 1870,
Lille passe
de
70 000 à 160 000 habitants, Marseille de 195 000
à 313 000, Paris de 1
287 000 à 1 850 000. La concentration se fait
également sur les lieux
de travail. Une usine comme celle du Creusot
regroupe 10 000 travailleurs.
Dans ce contexte, des liens de
solidarités se tissent et conduisent à une
conscience
de classe et de ses capacités d'actions chez les
travailleurs.
Chantier pour un autre
monde
Le
mouvement ouvrier, décapité lors des
journées de juin 48, refait
surface dans la seconde décennie de l'Empire avec une
nouvelle
génération de militants. Il s'organise, peu
à
peu, avec comme point culminant, la création de
l'Internationale en
1864. Le socialisme se construit
sur des bases plus solides et les idées
collectivistes se
diffusent. Les grèves et les luttes
vont s'intensifier durant les dernières années du
régime impérial.
Esprits
de la
Commune
-1840
: «Qu'est ce que la
propriété» Proudhon
-1848 : «Le
Manifeste du Parti Communiste» Marx /Engels
-1860
: «La femme
affranchie» Jenny d’Héricourt
Durant l'Empire
les théories
mutuellistes de Proudhon exercent une grande influence sur le monde
ouvrier et dans les
rangs de ses militants. La pensée Proudhonnienne est
largement
majoritaire au sein de l'Internationale à ses
débuts, puis s'efface
peu à peu au détriment des théories
collectivistes et d'orientations
plus révolutionnaires de Marx et Bakounine.
Malgré tout elle
va imprégner bien plus largement la Commune dans son
organisation,
que ces dernières.
Marx conceptualise le socialisme scientifique. Le
communisme devrait être l'aboutissement de
l'histoire sociale
des
Hommes.
A
travers une oeuvre
considérable, il propose, non pas une doctrine mais une
analyse de
notre société. Sa grande force est de
l'avoir étudiée sous de multiples angles,
philosophique, historique,
sociologique et économique.
On raconte bien n'importe quoi sur le vieux barbu et tous
les
régimes despotiques, qui au XX
e
siècle se sont
réclamés de sa pensée,
la dénaturant sans vergogne, ont largement
contribués à brouiller les
pistes. Marx, lui même, disait qu'il n'était pas
marxiste

,
en raison de ceux qui se revendiquaient déjà de
sa pensée à la fin de
sa vie. Pour lui, ce ne sont pas les idées qui provoquent
les
bouleversements dans l'histoire, mais les Hommes pris dans des rapports
sociaux définis. L'histoire est en mouvement. Le
communisme ne
peut donc pas se construire d'après un schéma
préétabli, c'est
une
société en devenir.
- «
Ce sont les hommes qui font leur propre histoire, mais ils ne la font
pas d'une façon arbitraire, ni dans des circonstances
librement
choisies ; ils la font dans des conditions qu'ils ont
trouvées devant
eux, qui leur ont été
léguées par le passé, bref, dans des
circonstances données ».
(Le
18 Brumaire de Louis Napoléon Bonaparte)
Le
capitalisme serait l'ultime étape de la lutte des classes
dans
l'histoire, se réduisant à un affrontement entre
le prolétariat et la
bourgeoisie. Cette dernière, propriétaire des
moyens de production, vit
de la force de travail du premier, le condamnant à une vie
misérable.
Pour s'émanciper de sa condition, le prolétariat
devra
renverser la bourgeoisie et, ce faisant mènera à
l'abolition des
classes
ainsi que de toute forme d'appareil d'état, qui n'aura plus
lieu
d'être. Je renvoie aux liens ci-dessous, pour approfondir un
peu plus,
ceci étant très succinct.
On peut ajouter que Karl Marx propose des
analyses de la révolution de février 48,
La lutte de
classe en France et du coup d'état de
Napoléon III,
Le 18
brumaire de L. Bonaparte. Il suivra également
de près la
Commune et en dressera le bilan
dans
La
guerre civile en France. Il n'aura, cependant
guère
d'influence sur sa mise en oeuvre.
«
L'histoire de toute
société
jusqu'à nos jours, c'est l'histoire de la lutte des classes
»
(Manifeste du parti communiste)
«
Les
philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde, il s'agit de
le
transformer maintenant »
(Thèses sur
Feuerbach, XI)
Elle
marque l'entrée des femmes
dans la lutte pour leur émancipation et plus
généralement dans le
mouvement
révolutionnaire. Elle
semble être la mère de toutes
celles qui vont jouer un rôle très important
durant la Commune. Elle
même, n'y participera pas.
Auguste
Blanqui
Arrêté peu de temps avant l'insurrection
de la Commune, Blanqui n'en aura pas connaissance. Son influence, sur
elle, sera, pourtant
considérable, via les Blanquistes, adeptes de sa
stratégie et de sa pensée, regroupés
en un mouvement et fort nombreux
durant l'insurrection parisienne. Si Proudhon offre la base
théorique,
Blanqui
semble être la cheville ouvrière de la Commune.
P.J. Proudhon
J.
D'Héricourt
A.
Blanqui
K. Marx / F.Engels
Organisations
collectives
Association
internationale des travailleurs / Première Internationale
En 1864, en marge de l'exposition universelle de
Londres,
des militants ouvriers européens se
rencontrent et fondent l'Association Internationale des Travailleurs.
L'objectif est de
réaliser une union mondiale des ouvriers afin de
créer un front commun
de lutte
pour l'amélioration de leurs conditions de vie,
voir plus loin, pour la conquête de la
société. C'est un pas décisif
qui
est
franchi pour le mouvement ouvrier, répondant au fameux appel
lancé
par Marx et Engels, 16 ans plus tôt :
«
Prolétaires de tous les pays,
unissez vous ».
Les militants français vont
y jouer un
rôle important et vont créer des sections un peu
partout en France.
Associations
ouvrières de production
Florissantes sous le Second Empire, suivant l'idée
Proudhonienne, elles
substituent à la
méthode
traditionnelle de production au profit d'un patron, des groupements
d'ouvriers d'un même corps de métier qui vendent
directement pour leur
propre compte. L'ouvrier devient propriétaire de son travail
et une
partie des bénéfices
réalisés doit servir à financer
d'autres
associations.
Ce système va
dépérir pendant la
guerre de 1870-71, surtout pendant siège de Paris.
Cependant il aura permit de répandre les
idées fédéralistes.
Cela
va, entre autre, faciliter l'organisation d'une
fédération de la Garde
Nationale, futur bras armé de la révolution
sociale. La Commune aurait
aimé amplifier le processus car il jetait les bases
d'une
véritable
réforme sociale.
Chambre
fédérale des Sociétés
ouvrières
Dès la fin du
XVIII
e siècle, des
associations
mutuelles
ou
fraternelles
se constituent, mais elles ne se limitent qu'à quelques
corporations.
Sous la
monarchie de Juillet, certaines se transforment en
sociétés
de résistance
et malgré l'interdiction du droit de grève, elles
n'hésitent pas à en
faire usage.
Dans les
années 1860, les anglais ont déjà
créé des
trade-unions,
qui
ont pris une dimension nationale dans le cadre de grandes
sociétés
comme
celles des Mécaniciens, des Charpentiers ou des Mineurs. En
France,
il existe des
sociétés
de secours mutuels comme celle des ouvriers
relieurs créée par
Eugène
Varlin en 1857. En 1862 des
délégués de celles-ci, parmi lesquels
on trouve Varlin, sont envoyés à
Londres pour
l'exposition universelle. Ils reviennent
émerveillés par cette force
ouvrière anglaise et en tirent leçon. La
participation de délégués
français à la Première Internationale,
dans les années qui suivent,
accélère le mouvement.
En 1867, l'Empire accepte la
formation de
Sociétés
ouvrières. Elles sont officiellement
tolérées avec la
reconnaissance
du droit de coalition en 1868. Il en existe, bientôt, une
à peu près
pour
chaque
corporation. Leur but est d'assurer la défense de leurs
adhérents,
de les
aider, d'améliorer leurs connaissances, mais aussi de donner
à leur
association une direction révolutionnaire.
En
1869, les membres de l'Internationale fondent
la
Chambre
fédérale des
Sociétés ouvrières pour
fédérer les
Sociétés
ouvrières
devenues innombrables. Il s'agit d'une sorte de grande centrale
syndicale. D'orientation nettement révolutionnaire, elle
reprend à son
compte la
formule de l'Internationale :
L'émancipation
des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs
eux-mêmes,
tout en respectant les particularités de chaque
corporation.
La
Marmite
Après avoir créé une
coopérative d'alimentation,
la
Ménagère,
Nathalie
Lemel,
Eugène
Varlin et d'autres ouvriers relieurs mettent en place, en
1868, un restaurant coopératif,
la
Marmite.
Le but est d'offrir une saine alimentation à bon
marché. C'est aussi un lieu subversif où l'on
discute et on
lit la presse républicaine et révolutionnaire
à l'abri des regards du
régime. Les idées socialistes s'y diffusent. On
débat de la lutte de
classe, de la société de demain. Enfin, c'est une
mise en pratique du
concept collectiviste. En réunissant ouvriers et
autres démunis autour d'un bon repas et dans la
convivialité, la
Marmite
contribue à tisser des liens de solidarités et
d'organisation de
classe.
Cette
Marmite
va connaître un tel succès, que trois autres vont
s'ouvrir
dans Paris.
Elles compteront jusqu'à 8000 adhérents.
Durant le siège de Paris, où le prix
d'un rat atteint
celui d'un bon bifteck, les Marmites vont permettre de secourir un
nombre
conséquent de nécessiteux.
Elles seront fermées aux lendemains de la Commune.
Les
grèves du Creusot
A partir de 1869, l'agitation
s'intensifie et les gèves se multiplient dans l'hexagone.
Au Creusot, 10 000 ouvriers vivent dans une
situation
misérable. Les journées de travail sont de 12
heures et se font dans
des conditions très dures. L'espérance de vie
est de 24 ans. Eugène Schneider, le patron des usines du
Creusot, tient
tout sur la ville, maisons,
commerces et mairie. Il y règne de manière
féodale. Rappelons le, il
fait également partie du corps législsatif de
l'Empire.
En janvier 1870, les ouvriers réclament
le droit
de gérer
leur
caisse de
prévoyance, alimentée par une retenue de 2,5% sur
leur salaire. Ils
élisent des délégués, qui
se donnent comme président le
mécanicien-ajusteur Adolphe Assi le 17 janvier. Schneider le
licencie
le 19. Par solidarité, les ouvriers se mettent en
grève. Schneider
refuse toute discussion et le gouvernement lui apporte le soutien de
3000 soldats. Le 24, les ouvriers retournent au travail. Une
soixantaine de meneurs sont renvoyés.
Début Mars, Varlin
créait les bases
d'une section de l'Internationale au Creusot.
Le 21, suite à une baisse
des salaires
orchestrée par Schneider, une nouvelle grève
éclate. Elle
entraîne des mouvements
de solidarité à Lyon et à Paris.
La troupe intervient à nouveau et la répression
se fait plus féroce.
Des centaines d'ouvriers sont mis à
la porte et des condamnations à de lourdes peines de prison
sont
prononcées contre les meneurs.
Malgré leurs échecs, ces
grèves ont enseigné aux travailleurs
que
l'union fait la force, ont renforcé leur conscience de
classe et le mot
socialisme devient un terme de ralliement.
Grève
au
Creusot
Pendant l'été 1870, la
tension monte entre la
France et la Prusse. La guerre éclate.
Paris est assiégé
dés l'automne.
Les germes de la Commune vont fleurir
durant l'hiver sur le pavé parisien.