Proudhon apparaît comme le
père du socialisme
scientifique,
de
l'anarchisme, du fédéralisme et de l'autogestion,
même si ce dernier
terme
n'existe pas encore à l'époque. Son oeuvre
intègre philosophie,
sociologie et économie, science qu'il voit comme le
principe
déterminant pour comprendre les rapports sociaux. Sa
réfexion est
imprégnée de son vécu.
Il vient du prolétariat et a toujours vécu
modestement. Il dit lui-même
:
«
Je sais ce
que c’est que la misère. J’y ai
vécu. Tout ce que je sais, je le dois
au désespoir. » Il se
proclame
aventurier
de la pensée et de la science.
C'est un homme de
l'instant, sa pensée
va au gré d'un tout de suite. Il a d'autre part beaucoup
étudié, nombre
de philosophes et d'ouvrages (Rousseau, Feuerbach
etc...). Il déclare que ses maîtres à
penser sont
au nombre de 3, la Bible, Adam Smith et Hegel. Il accouchera
d'une oeuvre considérable.
Vision
générale
Pour Proudhon, l'éclosion d'une
société nouvelle viendra du
mûrissement qui l'aura préparée. Elle
ne doit
pas se faire par une rupture brutale et violente, mais par un
enchaînement de réformes. Il est
également en désaccord avec les
théories évoquant une
fin
de l'histoire. Il pense, au contraire, que
l'évolution humaine se perpétuera
jusqu'à la fin des temps. Il ne peut y avoir
d'état stationnaire ni de
fin. Il part, malgré tout, du principe, qu'il y
aurait
un ordre
naturel au sein duquel, honnêteté et justice vont
de pair. Il veut
moins
transformer le monde que de lui faire retrouver cet ordre là.
D'autre part, il décèle un
système de contradictions, qui
semble inéluctable à l'histoire
humaine.
« Le
monde
moral (social) et le monde physique reposent sur une
pluralité
d’éléments ; et c’est de la
contradiction de ces éléments que
résultent
la vie, le mouvement de l’univers (...)
Le problème consiste non à trouver leur fusion,
ce qui serait la mort,
mais leur équilibre sans cesse instable, variable comme le
développement des sociétés »
(Théorie de la
propriété ,
1865).
Raison,
aussi, pour laquelle, un renversement violent est vain. Il s'agit,
plutôt, de chercher une nouvelle voie, sur les bases
d'un
nouveau contrat et sur le droit.
Enfin,
et c'est là, sûrement l'un des fondements de base
des théoriciens
anarchistes qui suivront, il faut concilier le rapport entre l'individu
et le collectif, entre la liberté individuelle et
l'organisation
sociale.
La
propriété
Dans son premier grand ouvrage,
Qu'est
ce que
la propriété ? , Proudhon
répond :
«
C'est le vol ».
Sa
célèbre citation se veut provocante et vise
à faire réagir.
En
1840, la propriété est la base de l'ordre
social, droit absolu et sacré. Nul ne peut remettre en cause
le droit
du propriétaire d'abuser de sa
propriété. C'est cet abus que
Proudhon veut remettre en cause. Il ne vise pas le
principe de propriété mais ce qu'il est devenu :
le droit de priver les
autres et de profiter d'eux. Les biens n'existant qu'en
quantité
limitée, la propriété est
devenue un moyen de faire régner l'esclavage. Le
propriétaire peut,
sans rien faire, jouir du travail d'autrui. La
propriété dénoncée est
donc toute forme de rente.
«
La propriété est la grande matrice de nos
misères et de nos crimes...
... Ruse, violence, et usure, telle est la catégorie des
moyens
employés par le propriétaire pour
dépouiller le travailleur... Toutes
les causes d'inégalité sociale se
réduisent à trois :
1.)
L'appropriation gratuite des
forces collectives ;
2.) L'inégalité dans
les
échanges ;
3.) Le droit de bénéfice ou
d'aubaine ».
Au terme propriété, il
oppose possession.
«
(...) Supprimez la propriété en conservant la
possession ; et, par
cette seule modification dans le principe, vous changerez tout dans les
lois, le gouvernement, l'économie, les institutions : vous
chassez le
mal de la terre. »
A contrario, Proudhon s'oppose à la
pensée socialiste
dominante,
qui prône une propriété collective et
un état centralisateur, négation
des libertés individuels. Il n'est pas
communiste. Il sera le premier penseur à
se proclamer anarchiste.
Proudhon reviendra sur la notion de
propriété, dans
Théorie
de la
Propriété, affirmant
qu'elle
est, aussi, garante de la liberté et le seul
rempart contre le tout état. Elle est donc la principale des
contradictions inhérentes à toute
société car elle est aussi la
principale cause des guerres et des révolutions qui
parsèment
l'histoire.
Le
penseur préconise alors, une propriété
distribuée plus
équitablement et restant de petite taille pour qu'elle soit
utilisée
réellement par les individus, les familles et les
associations de
travailleurs.
L'état
Le second
ennemi est l'état, plus
exactement l'état
centralisé. Là, encore, c'est un des
fondements de la pensée
Anarchiste.
Le
problème de tout régime social est la
contradiction
qu'il y a entre ses 2 pôles
irrémédiablement opposés, la
liberté et
l'autorité.
«
L'autorité
suppose
invinciblement une liberté qui la reconnaît ou la
nie; la Liberté à son
tour suppose une autorité qui traite avec elle, la
réfrène ou la
tolère. Supprimez l'une des deux, l'autre n'a plus de sens.
»
Un état ne
peut donc être fondé sur la seule
autorité pas plus que sur la seule
liberté. De plus Proudhon remarque :
« L'arbitraire est fils, savez vous
de quoi ? Son nom vous le dit : du libre-arbitre, de la
liberté. Chose
admirable ! Le seul ennemi contre lequel la liberté ait
à se tenir en
garde, ce n'est pas au fond l'autorité, que tous les hommes
adorent
comme si elle était la justice, c'est la liberté
elle-même... »
L'état
ne peut donc incarner le juste rapport entre autorité et
liberté, à
cause même de sa nature. Il ne fait que couvrir une
appropriation de
l'une sur l'autre. L'Homme ne pouvant vivre isolé,
il s'agit
de construire une société où les deux
concepts s'équilibrent, une
société où chacun est
véritablement un associé.
 |
-
« vous êtes républicain.
»
-
« républicain, oui ; mais ce mot ne
précise rien. res publica, c'est
la chose publique ; or quiconque veut la chose publique, sous quelque
forme de gouvernement que ce soit, peut se dire républicain.
Les rois
aussi sont républicains. »
- «
eh bien ! Vous êtes démocrate ?
»
-
« non. »
-
« quoi ! Vous seriez monarchique ? »
-
« non. »
-
« constitutionnel ? »
-
« Dieu m' en garde. »
- «
vous êtes donc aristocrate ? »
-
« point du
tout. »
- « vous voulez un gouvernement
mixte ? »
-
« encore moins. »
- « qu'êtes-vous donc
? »
-
«
je suis anarchiste. »
( Qu'est ce que la
propriété ? )
|
Proposition
Proudhonnienne
Proudhon imagine
une société axée autour de deux
pôles, l'association, au niveau
économique et le fédéralisme, au
niveau politique, sur les bases d'une
démocratie directe à chacun des stades.
L'association
L'association
suppose que chacun possède quelque chose pour se sentir
à la fois égal
et différent. Ce droit à la possession, c'est le
droit à la propriété
pour tout le monde.
Proudhon
imagine cette
possession comme
mutuelle plutôt que communiste. Il a successivement
prévu
divers moyens pour y arriver :
1 : Le droit du
Travail
2
: Le crédit gratuit par l'institution de la Banque du peuple
: L'idée
est que la possession est empêchée car tous les
moyens de production
sont aux mains des propriétaires. Si le peuple pouvait se
procurer à
crédit ces moyens, non seulement la production lui
appartiendrait, mais
il ruinerait bien vite l'ancien système.
Il suffirait donc qu'une
coopérative
ouvrière voit le jour, pour qu'avec les
bénéfices de son travail, elle
permît le crédit à une seconde et ainsi
de suite.
La Banque du
peuple, fondée en 1849, fut liquidée avant
d'avoir commencé à
fonctionner, mais l'idée fut reprise par des
sociétés ouvrières de
production, qui se multiplièrent à la fin de
l'Empire.
Fondé
sur
le principe de réciprocité et du service au prix
juste, le mutuellisme
peut ainsi servir de base à une
société d'égaux, qui ne sera plus
hiérarchisée ni centralisée. Elle
fonctionnera sur un rapport d'individus
autonomes, dans des groupes eux-mêmes autonomes, entretenant
des
rapports d'échanges et de réciprocité
réglés par des contrats librement
consentis. Dans cette perspective l'état perdra toute sa
raison d'être
et ira en dépérissant, l'accord des consciences
personnelles suffisant
à assurer le fonctionnement de la
société.
On a là
les principes de base de l'autogestion, même si le terme
n'existe pas
encore.
L'union
nouvelle équilibrant autorité et
liberté, c'est la fédération.
Le
Fédéralisme
La
fédération se fonde sur un contrat liant des
individus
librement au sein d'associations, qui à leur tour
se lient
au
sein des
municipalités, puis aux provinces et ainsi
de
suite, selon le même principe contractuel, garantissant ainsi
la
supériorité du droit et de la volonté
des
citoyens sur l'état. En partant de la base on construit
ainsi
une
Nation.
Proudhon imaginera, même, une
confédération européenne.
La Commune de Paris tentera de s'organiser selon cette
conception.
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On pourra, somme toute, reprocher à Proudhon, son sexisme,
il pense que
les femmes
sont inférieures aux hommes et certains propos
anti-sémites.